La récente décision de régularisation des étrangers en situation irrégulière du président Obama incite les analystes, dont une chronique matinale ce lundi sur France Inter, à en redécouvrir une vertu : elle induirait un gain financier pour les Etats. Une situation à nuancer à Mayotte.
Qu’on soit en Europe ou à Mayotte, les frontières restent poreuses. L’étroitesse de notre île rend cependant le phénomène migratoire très problématique, 40% de la population serait étrangère selon l’INSEE, dont la grande majorité en situation irrégulière, alors que les chiffres officieux l’élèvent à plus de la moitié.
Une situation qui invite à tendre l’oreille vers la moindre proposition, et à regarder de plus près la politique menée actuellement par Barack Obama aux Etats-Unis. Le président américain vient en effet de régulariser provisoirement 5 millions de personnes en situation irrégulière, sur les 11 millions que compterait le pays. Il faut avoir séjourné depuis au moins cinq ans aux Etats-Unis, avoir des enfants américains ou résidents et un casier judiciaire vierge.
Selon deux rapports, le geste ne serait pas seulement humanitaire, il permettrait de faire rentrer plus d’1,6 milliard d’euros dans les caisses des différents Etats américains.
Des pesetas pour la Sécu
L’un d’entre eux émane de l’ITEP (Institute on Taxation and Economic Policy), qui rappelle que les personnes vivant clandestinement sur le territoire paient déjà des taxes sur leur consommation courante, ce qui correspond à notre TVA. Mais il souligne surtout que la « main d’œuvre fantôme » devient alors visible, et doit alors cotiser à la Sécurité sociale et aux charges sur les salaires.
Cette prise de conscience n’est pas nouvelle puisqu’elle avait été soulignée par le journal espagnol El País en 2005 qui titrait « La régularisation massive des clandestins rapporte de l’argent » : la régularisation de 690.000 personnes aurait rapporté 120 millions d’euros mensuels de rentrées supplémentaires pour la sécurité sociale et 85 millions dans les caisse du fisc espagnol.
La puissance du nombre
Et l’Express ne faisait-il pas sa Une en 2012 sur les avantages que la France pourrait tirer de l’immigration : « à court terme, parce que les immigrés occupent des postes dont les Français ne veulent pas, cotisent et consomment », et à long terme, « parce que le dynamisme démographique du pays, dû en partie aux immigrés, assurera notre puissance en Europe, notamment face à l’Allemagne ».
Des données intéressantes pour Mayotte et qui permettrait de surcroit de diminuer le coût estimé à plus de 60 millions d’euros de prise en charge directe et indirecte de l’immigration clandestine (rapport du Sénateur Torre).
Une situation qui est malgré tout à nuancer en raison de la superficie du territoire, avant même la crainte du fameux appel d’air dont on ne voit, même après l’apparition des allocations, toujours pas les effets massifs… Car si sur le plan humanitaire, voire financier, la régularisation est souhaitable, Mayotte se trouve confrontée pour son avenir au défi du nombre qui, comme le disait dernièrement sur le plateau de France 2 l’écrivain mahorais Mouhoutar Salim, s’il n’est pas réglé, mènera l’île « au clash ».
Seul un exode vers la métropole ou La Réunion pourrait alors répondre à cette problématique…
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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