CARNET DE JUSTICE DU JDM. La condamnation de la société qui gère la piscine Koropa a inspiré le parquet. Dans un autre dossier, le procureur a callé son réquisitoire sur les peines prononcées dans cette affaire de noyade : 50.000 euros d’amende pour l’entreprise et 15.000 euros pour les deux chefs d’entreprises, responsables présumés de la mort d’un salarié et de graves blessures subies par un deuxième.
Le drame est intervenu le 4 janvier 2011 à Sada. Une entreprise doit implanter des poteaux électriques pour le compte de la mairie après avoir remporté un appel d’offre. Ce marché public spécifiait clairement les recommandations de prudence et de respect des normes de sécurité imposées par les lois françaises, le chantier se situant à proximité d’une ligne haute tension de 20.000 volts. Dans ces zones, de nombreuses procédures doivent être respectées et il est interdit de s’approcher à moins de 3 mètres de la ligne si le courant n’est pas coupé. Un document doit d’ailleurs être transmis à EDM pour qu’elle permette ce type d’interventions et qu’éventuellement, elle mette la ligne concernée hors tension.
Un arc électrique fatal
Premier problème, ce jour-là, les poteaux doivent être posés autour du réseau électrique de 20.000 volts… mais EDM n’en a pas été avisée. Ensuite, la société chargée du chantier ne disposant pas d’un engin de levage pour planter les poteaux, elle fait appel, dans la précipitation, à une deuxième entreprise équipée d’un camion grue. Autre problème : le chauffeur n’est pas grutier même s’il sait utiliser l’engin. Le poteau est attaché à la grue. Le salarié le soulève alors, et les conséquences sont dramatiques. Le pylône en béton armé s’approche la ligne EDM à moins d’un mètre, l’armature en ferraille crée un arc électrique. Le chauffeur de l’engin meurt électrocuté sur le coup et son collègue est grièvement brûlé.
Immédiatement, l’enquête est ouverte et les manquements apparaissent très nombreux. Outre le maintien de la ligne 20.000 volts sous tension, le personnel n’était pas en possession du certificat lui permettant de travailler sur des installations électriques. L’employeur aurait également du remettre à chaque salarié un livret contenant les différentes prescriptions à respecter en matière de sécurité. La société se conforme à cette obligation… depuis l’accident.
D’ailleurs, la «mise aux normes» de l’entreprise a été faite depuis cette triste journée.
Maître Kondé, l’avocat de la femme et des trois enfants en bas âge (4, 5 et 6 ans) de la victime, insiste sur l’intérêt de ce procès qui, en plus de tenter d’atténuer la souffrance de la famille doit «rappeler la loi en matière de sécurité et ses vertus protectrices». Me Kamardine, l’avocat de la première épouse et de deux autres enfants du décédé, et Me Abla, l’avocat du salarié blessé, sont sur la même ligne. «Nous ne sommes pas là pour accabler qui que ce soit», diront-ils, estimant que la liste de manquements est suffisamment évocatrice.
«Amateurisme tragique», accuse le procureur Garrigue. «On fait des travaux magnégné, selon une expression locale, sauf que le magnégné et une ligne à 20.000 volts, ça ne peut pas aller ensemble.»
«Il ne les a pas laissé tomber»
Face aux lourdes amendes réclamées, Me Soilihi prend le contre-pied du parquet. L’avocat du «grutier» indique que le chauffeur a bien reçu pour consigne de ne pas toucher les fils et surtout, la réglementation mise en avant par le procureur ne s’appliquerait pas, selon lui, à Mayotte.
Quant à Me Andjilani, l’avocat de la société et du patron mis en cause, il revient sur l’esprit de responsabilité de son client : «Il a pris soin de la famille (de la victime), il leur a donné de l’argent, il ne les a pas laissé tomber» argumente-t-il avant de mettre en garde le tribunal sur le montant de l’amende qui pourrait être décidée. «50.000 euros, c’est condamner l’existence même de la société», prévient-il. L’entreprise et ses 57 salariés a réalisé 60.000 euros de bénéfice l’an dernier.
Le jugement a été mis en délibéré au 14 janvier prochain.
RR
Le Journal de Mayotte
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