Elle serpente sur 9,7 kilomètres entre Bouyouni (Bandraboua) et Tsingoni. Une nouvelle piste goudronnée a été inaugurée ce lundi par la préfecture, le Conseil général et la DAAF*. Plus de 150 exploitants agricoles peuvent imaginer des projets de développement.
La piste existait depuis toujours mais elle était devenue parfaitement impraticable. Et la voici transformée en une véritable petite route. Un revêtement de goudron bicouche, des pentes à plus de 15% bétonnées, des radiers et des fossés en béton… ses 9,7 km réhabilités ont une belle allure entre Gagani (Bouyouni/Bandrabaoua) et Maboungani (commune de Tsingoni).
Elle a été réalisée en un temps record. Seymour Morsy, le préfet, Jacques Martial Henry pour le Conseil général, accompagnés de Soulaimana Boura, le maire de Bandraboua ont coupé le ruban d’inauguration moins d’un an et demi après le début des travaux. De quoi changer la vie des exploitants agricoles qui travaillent la terre à proximité. «Avant, il fallait amener les produits sur la tête jusqu’à la nationale», souligne l’un d’eux qui a accueilli le convoi des voitures des personnalités et des techniciens.
Un chantier modèle
Rejoindre les parcelles agricoles enclavées est parfois difficile à Mayotte. La densité de routes et de pistes rurales reste faible et ces voies en terre sont souvent en mauvais état voire impraticables pendant la saison des pluies.
Si ces chemins ruraux n’ont pas de statut particulier à Mayotte, c’est le conseil général en tant que maître d’ouvrage qui assume leur développement. En 10 ans, il revendique ainsi la création de 8 nouvelles pistes (12,6km), la réhabilitation de 11 autres (33,27km) et enfin l’entretien de 48 de ces chemins ruraux qui représentent 173 km de voierie.
Depuis 2004, plus de 3,2 millions d’euros ont été débloqués en moyenne par le conseil général et depuis 2009, à travers de nombreux programmes, l’Etat accorde d’importantes subventions.
Ainsi, la réhabilitation de la piste de Boyouni à Tsingoni a côuté 2,1 millions d’euros dans lesquels la part apportée par le CG ne couvre plus que 20% contre 80% pour des crédits CIOM (Crédits interministrériels de l’Outre-mer). Il est à noter que l’opération finale a coûté près 700.000€ de moins que prévu, la concurrence entre entreprises ayant fait baisser la facture. Il également intéressant de souligner la complémentarité entre des entreprises de tailles différentes, des artisans locaux ayant remporté des lots à côté d’entreprises du BTP plus importantes.
Développer nos campagnes
La rénovation de ces pistes est essentielle car c’est un des points de blocage majeur du développement de l’agriculture à Mayotte. Pas de chemin, pas de mécanisation possible et une commercialisation bien difficile.
Le long de la piste inaugurée, on compte 152 parcelles et, indivision oblige, ce sont plusieurs centaines de familles qui peuvent à présent développer leurs activités agricoles. C’était le sens de la visite du préfet, venu écouter quelques agriculteurs qui travaillent la terre le long de la voie. «J’ai bien compris qu’il faut qu’il y ait des marchés, des lieux de stockage, de l’irrigation et de l’électricité pour permettre à des personnes de s’installer pour lutter contre le vol», à énumérer le préfet à plusieurs reprises.
Tous ces chantiers semblent avancer même si les financements doivent être priorisés. Les pistes, c’est l’action numéro un : le schéma directeur d’aménagement agricole et rural de Mayotte (SRAARM) réalisé par la DAAF prévoit 100km de voies à créer ou à réhabiliter. Elles sont toutes dans des zones avec un bon potentiel de développement agricole. Les fonds européens agricoles (FEADER) prévoient d’ailleurs 14 millions d’euros pour ces chantiers contre seulement 4 millions d’euros pour l’irrigation… «Il faut bien commencer quelque part», faisait remarquer le préfet.
Les cantines, futur marché des agriculteurs
Quant aux débouchés, le préfet a parlé des cantines scolaires qui pourraient représenter un marché constant et important pour les producteurs locaux. Un des agriculteurs rencontré par Seymour Morsy a d’ailleurs participé à l’opération «un fruit pour la récré» l’an dernier. «J’aimerais qu’on arrive un flux tendu entre la production et la consommation de nos enfants», a-t-il fait valoir. On a tous envie de lui répondre : «chiche!».
Car si les volontés et les savoir-faire sont là, Jacques Martial Henry ne manquait pas de dire haut et fort sa grande méfiance vis-à-vis du monde agricole. Beaucoup de subventions ont été données pour des résultats qui sont loin d’être à la hauteur des attentes malgré de belles réussites de petits producteurs. C’est maintenant aux agriculteurs de montrer qu’il peut répondre aux enjeux.
RR
remi@jdm2021.alter6.com
*DAAF : direction de l’agriculture, de l’alimentation et de la forêt
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