Du miel de Mayotte. Pas facile d’en trouver ailleurs que chez les rares petits producteurs locaux. Mais une filière pourrait voir le jour dans les années à venir. La chambre d’agriculture (CAPAM) y croit.
A Mayotte, personne n’a jamais vu de vastes ruches installées dans les sous-bois. Notre département n’a jamais développé une activité apicole dynamique.
Traditionnellement, c’est la cueillette sauvage qui est très pratiquée. Mais cette «apicueillette» est très peu respectueuse des essaims. Les colonies d’abeilles sont souvent détruites par le feu avant que le miel soit prélevé.
Il existe pourtant quelques producteurs mahorais qui disposent de deux ou trois ruches et ils pourraient bientôt être rejoints par beaucoup d’autres. Car dans la région, l’apiculture existe depuis déjà longtemps. Madagascar fut, dans la première partie du 20e siècle, un des principaux producteurs de miel au monde. A La Réunion, une filière est bien organisée. Et comme notre abeille, l’Apis mellifera unicolor est la même que chez nos voisins (les Réunionnais l’appelle mouche à miel), pourquoi ne pas transposer leur expérience à Mayotte ? C’est le pari de la CAPAM qui a dépêché pour un mois, un de ses techniciens à La Réunion.
«Je participe à des formations théoriques et je visite beaucoup d’exploitations, explique Ibrahim Moussa, de la CAPAM. A chaque fois, mon idée est de voir ce que nous pourrions reproduire à Mayotte en évitant les erreurs commises par les autres.»
Une abeille sauvage bien acclimatée
L’abeille sauvage de l’océan indien est bien implantée et acclimatée dans notre département. Apis mellifera s’installe dans une grande diversité d’abris, des troncs creux, dans le sol et parfois dans les habitations.
Elle résiste à de longues périodes de pluie et son organisation est basée sur une floraison assez constante… ce qui est le premier inconvénient d’une longue liste.
Avoir accès à de la nourriture tout au long de l’année, à part à la fin de la saison sèche qui correspond pour elle à une courte période de disette, ne facilite pas la constitution de réserves. En conséquence, elle produit relativement peu de miel, même si la production pourrait tout de même atteindre une dizaine de kilos par an.
Autre problème : elle peut très vite abandonner son nid. Quand Apis mellifera est dérangée par des termites ou des fourmis, elle part s’installer ailleurs. Ce comportement, que les spécialistes appellent la «désertion», est une particularité des abeilles qui vivent en milieu tropical. Une telle fuite serait tout simplement suicidaire pour les abeilles européennes dont la vie est rythmée par les saisons d’un climat tempéré.
Du coup, pas facile pour l’homme d’intervenir pour les installer dans une ruche, les transporter ou de récolter leur miel. Il faudrait donc imaginer de bonnes pratiques pour mettre en place une apiculture maitrisée d’autant qu’Apis mellifera rechigne à s’installer dans les grandes ruches modernes : elle n’aime pas les étages. Elle préfère généralement habiter dans une seule boite plutôt de petite taille.
Une abeille à l’abri de la mondialisation
Aujourd’hui, aux vues des difficultés, se lancer dans l’apiculture reste, chez nous, une aventure très incertaine. «Il est trop tôt pour dire les pistes que nous allons proposer pour Mayotte, prévient Ibrahim Moussa. J’écoute et je découvre. Il faudra ensuite en discuter avec tous ceux qui sont intéressés pour organiser une petite filière avec nos propres pratiques.»
Une apiculture à petite échelle pourrait permettre à de nombreuses petites fermes de se diversifier. Plus naturelle qu’en Europe, l’apiculture à la mode mahoraise pourrait profiter du fait que Mayotte reste encore à l’abri des maladies mondialisées des abeilles et des agricultures polluantes. Si tout reste à inventer, l’argument commercial est déjà trouvé.
RR
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