Pour de pas s’être posé la question, le président et l’ex-directeur d’Aquamay, Dominique Marot et Timothée Gadenne, se retrouvaient jugés au tribunal correctionnel ce mercredi matin.
Car en 2009 et pendant plusieurs mois, les deux hommes ont lu et diffusé les mails d’un de leurs employés. Des éléments qui ont été utilisés pour son licenciement pour causes réelles et sérieuses. Refusant de mélanger les genres, le président Rieux délaissera le volet social en donnant le motif du jugement du jour : « les employeurs avaient-ils le droit d’entrer dans sa boite mail pour en diffuser le contenu ? »
Dominique Marot n’ayant pas pu se déplacer à la barre pour raisons de santé, Timothée Gadenne arrivé de métropole où il séjourne depuis 2011, y était épaulé par son avocat Me Kondé qui met de suite en avant leur motif : les interrogations des deux hommes sur l’intégrité professionnelle du salarié, « ils ont donc voulu vérifier son ordinateur ». Les deux hommes ne doutent pas, selon lui, qu’en tant que dirigeants, ils en ont le droit.
D’autant que l’employé est absent, « il y avait vacance de poste, j’ai donc voulu accéder aux informations qui concernent l’entreprise », tente d’expliquer le directeur coupé par le juge Rieux « vous n’êtes pas juriste, c’est une chose d’en prendre connaissance, une autre de le diffuser ».
Car la loi autorise bien un employeur à accéder à la boite mail professionnelle de ses employés, comme le rappelait le procureur, et à utiliser « uniquement les messages professionnels » pour un licenciement lorsque les informations recueillies nuisent à l’entreprise, « mais pas de les diffuser. Dans ce cas, il faut avertir d’un système de surveillance, comme on l’entend lors des messages qui préviennent d’une conversation enregistrée ». Il demandera une peine d’amende avec sursis.
Me Kondé se lance alors dans une longue, très longue plaidoirie, basée sur l’axiome que nul n’est censé ignorer la loi, « un domaine bien vaste », que personne ne maitrise donc, « mes clients ne pensaient pas l’enfreindre ». Il revient sur les projets en cours à l’époque de l’association Aquamay avec divers entrepreneurs ou la préfecture, « en l’absence de l’employé, il fallait en assurer le suivi, et accéder aux éléments techniques ».
S’il évoque les décorations de Dominique Marot, ou la visite du président de la République (plus précisément, c’est Mayotte Aquaculture qu’avait visité Nicola Sarkozy), l’avocat est recentré par le président, « il n’y a pas de rapport ! », un président qui ne veut toujours pas parler d’affaire sociale.
Me Kondé s’entête pourtant, en rappelant que s’il n’y a pas eu licenciement pour faute grave, « les “causes réelles et sérieuses” l’ont malgré tout motivé, puisque le juge du tribunal du travail a retenu les mails fournis “comme soutien de la procédure disciplinaire” ». Quant à leur diffusion en interne et en externe à l’entreprise, il l’explique par « le choc ressenti par les deux hommes à la lecture des mails »
Les deux hommes disent regretter leur geste, « s’ils avaient su ! », ponctue Me Kondé.
Ils sont coupables pour le tribunal qui a condamné les deux dirigeants à 1 000 euros d’amende avec sursis, une peine qui ne sera pas inscrite dans leur casier judiciaire.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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