L’alcool se répand à Mayotte. Et dans ce département musulman, il commence à faire de plus en plus de ravage. L’eurodéputé Younous Omarjee propose des mesures.
En 2010, et selon des chiffres donnés par la préfecture, la moitié des accidents corporels étaient liés à la consommation d’alcool. Selon les forces de l’ordre qui intervenaient en fin d’année dernière au lycée de Dembéni, ce fléau est de plus en plus impliqué dans les accidents de la route dont le taux mortalité était en hausse en 2014.
Si Mayotte n’a pas attendu d’être européenne pour basculer, le vieux continent est le plus grand consommateur d’alcool au monde, selon un rapport de l’Organisation mondiale de la santé de mars 2012. C’est l’Europe centrale et de l’est qui donne ce classement peu enviable.
L’eurodéputé Younous Omarjee, co-rapporteur d’une résolution sur la stratégie européenne de lutte contre l’alcoolisme, revient sur l’alcool, « facteur de risque dans plus de 60 maladies chroniques et troubles neuropsychiatriques, et son abus est aussi responsable de violences domestiques et constitue l’un des principaux risques de mortalité en Europe. En France, les Outre-mer sont premièrement concernées par ce fléau ».
Il en rappelle le coût économique évalué à environ 150 milliards d’euros par an.
Vente plus restrictive aux mineurs
Face à ces constats, le Parlement européen a lancé un appel à la Commission européenne pour qu’elle propose une nouvelle stratégie de lutte contre les dommages liés à l’alcool en Europe. Elle devra encourager la coopération entre les Etats membres et les échanges de bonnes pratiques, dans les domaines de la protection des jeunes, la réduction des accidents de la route, les opérations de sensibilisation et de prévention.
Le député a tenu à insister dans ses amendements sur le cas des jeunes, particulièrement exposés aux risques de l’alcool. Dans tous les pays européens, le phénomène de consommation excessive de grandes quantités d’alcool (« binge drinking ») touche plus de 60% des jeunes en Europe. Il a donc appelé à porter une attention particulière à ce problème et insisté sur la nécessité de réfléchir à règlementation plus restrictive sur la vente d’alcool pour les mineurs en Europe.
En décembre, le préfet Mayotte a d’ailleurs pris un arrêté pour encadrer la vente d’alcool, que ne peuvent plus proposer par exemple les stations d’essence les dimanches après-midi de 18h à 8 heures du matin. Les bars, restaurants et autres débits de boissons sont contraints de fermer à 1h du matin du dimanche au jeudi et à 2h les vendredis et samedis.
« Boire tue »
Des informations nutritionnelles comparables à celles des autres produits alimentaires sont également demandées à la Commission européenne, et le député va encore plus loin en demandant que soit imposé un étiquetage clair sur les effets de l’alcool et les risques pour la santé, une sorte de « boire tue ».
Le député a aussi insisté sur la nécessité de fournir des traitements accessibles et à coût abordable aux personnes souffrant de troubles liés à l’alcool, et de mettre en œuvre des programmes de dépistage et d’intervention en cas de consommation nocive et dangereuse. « Nous avons besoin d’une meilleure coopération entre les acteurs concernés pour accompagner les personnes souffrant de troubles d’alcoolisme et les aider à mettre fin à leur dépendance. Mais aussi pour éviter la rechute », a indiqué Younous Omarjee.
Cette résolution fera l’objet d’un vote en commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire (ENVI) au courant du mois de mars, et en plénière lors de la session du mois d’avril.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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