Le nombre de touristes est reparti à la hausse en 2013. Mais rien ne suit. La dernière note de l’IEDOM* sur le tourisme monte d’un ton : si les schémas et plans existent, ils n’ont pas servi à grand chose, et la puissance publique notamment l’Etat, doit jouer son rôle, surtout en matière de sécurité.
La fréquentation touristique a atteint le chiffre de 52.400 en 2013 à Mayotte, avec une croissance de 14,4% par an. Ce sont toujours essentiellement la famille et les amis qui viennent en visite, 53% de tourisme affinitaire, le reste des voyageurs venant pour la beauté du site ou du lagon (22,5%) ou des raisons professionnelles (20,2%). Ils arrivent en grande majorité de la métropole (52,6%) et de La Réunion (40,2%).
En dépassant le seuil des 50.000 touristes, nous retrouvons les niveaux 2010 d’avant le conflit social de 2011 qui avait refroidi les ardeurs. Mais sa faible contribution au produit intérieur brut marque son caractère encore embryonnaire.
C’est que l’île doit faire face à de fortes contraintes, malgré les attraits que lui confèrent son lagon et sa biodiversité terrestre et marine. Pas tant, comme l’invoque l’IEDOM, liées à la petitesse de son territoire, qui ne semble pas handicaper les Seychelles, Zanzibar ou Belle Ile, mais par la trilogie « hôtellerie-aérien-délinquance », écueils détaillés dans la note expresse de l’IEDOM de mars 2015.
Vols saisonniers
Le poids de la branche hôtellerie-restauration a en effet très peu évolué ces dernières années malgré l’augmentation du nombre de touristes. Sa progression est même stoppée depuis 2011, et laisse place à une diminution du parc hôtelier en 2012 et 2013, en raison « des difficultés du secteur depuis le conflit social de la fin de l’année 2011 ». La diminution de la fréquentation touristique qui en a résulté a impacté sur leur rentabilité, donc leurs conditions d’exploitation.
Mais la montée de la délinquance est aussi une cause à intégrer, une insécurité « qui dégrade les conditions de séjour des touristes », et sur laquelle l’IEDOM interpellera l’Etat.
L’aérien enfin dont l’offre s’est diversifiée ces dernières années, a permis une augmentation des vols commerciaux jusqu’en 2010, année de pic pour l’aéroport de Mayotte avec prés de 6 000 vols. Depuis, c’est la chute, explicable toujours par les évènements de 2011, mais aussi, selon la note, par la réorganisation de certaines compagnies qui ne proposaient plus, comme Corsair, que des vols saisonniers.
La croisière ne s’amuse plus
La baisse semble néanmoins se stabiliser et marquer un palier. L’IEDOM rappelle les 7 compagnies desservant l’île jusqu’en 2013, Air Austral, Corsair, Kenya Airways , XL Airways en national et Inter Iles, Air Madagascar et Ewa Air en régional. La disparition récente de XL de notre ciel mahorais pourrait être compensée, en matière d’offre, par les vols directs annoncés vers la métropole qui pourrait relancer les envies.
Mais les touristes arrivent, ou plutôt arrivaient, aussi par la mer. Là, la chute est spectaculaire de 6 601 en 2000 le nombre de croisiéristes est passé à 1 026 en 2013, avec un nombre de navires passant de 26 en 2000 à seulement 2 en 2013. Le coût des escales et les problèmes d’organisation de prise en charge des touristes à terre invoqués par l’IEDOM ont été aggravés par le refus de l’île d’accueillir cette année-là, la compagnie Costa Croisières qui aurait aussitôt blacklisté Mayotte.
Le départ pour la casse d’un vieux bâtiment de croisière qui faisait escale plusieurs fois par an a terminé de noircir le tableau d’un secteur des croisières en berne. Mayotte, une destination à reconquérir par la mer donc.
Trop de schémas tuent
L’IEDOM s’interroge sur les leviers d’action. Car, si le Comité de tourisme démarche dans les Salons pour faire connaître la destination en axant ses efforts sur la plongée, il n’y a pas encore de prise de conscience politique et de plan global cohérent.
Pourtant, ce ne sont pas les documents stratégiques qui manque comme le rappelle l’Institut : le Schéma de développement et d’aménagement du tourisme et des loisirs de Mayotte (SDATLM) élaboré en 2006, le Plan d’aménagement et de développement durable de Mayotte (PADD) qui identifie neuf sites potentiels susceptibles d’accueillir des projets hôteliers d’envergure, le 13ème contrat de projet Etat-Mayotte 2008-2013, un diagnostic territorial en décembre 2012 qui met l’accent sur les enjeux et les priorités d’action dans le secteur, et enfin, dans le cadre des financements européens, le Programme opérationnel (PO), élaboré en décembre 2014…
Résultat : maigres… « Les documents ne sont pas toujours reliés entre eux ». D’autre part, si des niches (comme la plongée ou la randonnée) ont été définies par le Schéma de développement du tourisme, cela n’a pas été suivi d’étude de marché pour évaluer le volume de la clientèle intéressée, et estimer le montant des investissements nécessaires.
Aucun des neufs sites élus au PADD n’a encore vu naître de structure hôtelière, car le problème du foncier et d’achat des parcelles n’a été évoqué qu’a posteriori.
L’IEDOM ne fait que l’effleurer, mais les principaux fautifs sont les élus départementaux qui doivent être actifs dans les comités de pilotage lors de la rédaction de ces schémas et plans, mais qui ne se déplacent pratiquement jamais. Les documents sont critiqués une fois qu’ils sont bouclés… personne ne se les approprie.
L’institut bancaire préconise que la puissance publique, Etat-Conseil général, ne soit plus seulement le financeur, mais qu’elle en devienne l’accompagnateur et le facilitateur : « des incitations économiques et fiscales doivent accompagner le règlement des conflits dans l’usage du foncier » pour attirer les investisseurs privés.
Enfin, l’Etat est mis devant ses responsabilités et fonctions régaliennes, en matière d’assainissement, de gestion des déchets, de protection de l’environnement (…) et en rendant le territoire plus sûr pour les visiteurs, qu’ils soient affinitaires ou d’agrément ». Autrement dit, pas de chasse gardée, la sécurité pour tous, et les touristes seront bien gardés.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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