Le procès de l’affaire Nassur, du nom du garçon blessé par un tir de flashball en octobre 2011, s’est ouvert ce matin avec l’émouvant témoignage du gendarme mis en cause. Un premier rapport d’expert évoque un excès de confiance du militaire.
Dans la salle d’audience, les différents protagonistes ont pris place, chacun de leur côté. Sur le banc de la partie civile, la victime, le jeune Nassur aujourd’hui âgé de 13 ans, est venu avec ses parents. Sagement assis avec sa petite chemise à carreaux, des lunettes teintées posées le nez, il est accompagné de sa mère, son père et de quelques-uns de ses frères et sœurs. Au total, au sein de la famille, ils sont 10 à s’être constitués partie-civile.
De l’autre côté, sur le banc des prévenus, le gendarme Boris Roumiantseff, assisté de, Me Liénard, spécialisé dans la défense des forces de l’ordre.
Dès l’ouverture de ce procès du tir de flashball devant la cour d’Assises de Mayotte, un fait marquant : l’émotion du gendarme mis en cause. Evoquer sa famille, son parcours, sa rupture amoureuse consécutive aux événements, sa vie depuis cette journée dramatique, tout est difficile et provoque les larmes. Il faut dire que ces événements sont venus mettre un terme à un parcours exemplaire : école de sous-officier de Montluçon, honoré à l’issue de 4 ans en Guyane pour une action héroïque dans une opération de lutte contre l’orpaillage illégal et finalement, il est arrivé en octobre 2010 à Mayotte.
Les tensions d’un combat social
Les faits qu’on lui reproche se sont donc déroulés alors qu’il est en poste depuis un an dans notre département. La période est particulièrement troublée. En pleine contestation sociale contre la vie chère, des barrages et des attroupements se multiplient dans l’île. Les gendarmes sont amenés à intervenir pour «libérer» les voies de circulation et garantir la sécurité de sites sensibles. Ce 7 octobre 2015, il fait partie d’une patrouille constituée de 6 gendarmes qui se porte aux abords de la clôture de l’enceinte du port, à proximité de la plage de Longoni.
Alors qu’un groupe d’individus prend la fuite à l’arrivée des forces de l’ordre, deux enfants sont attrapés par les gendarmes, rapidement relâchés. Mais à environ 10 mètres des militaires, un des gamins se serait retourné, avant de se pencher pour ramasser une pierre avec la volonté de la jeter vers les forces de l’ordre. Le gendarme Roumiantseff attrape son flashball pour protéger son supérieur qui se retrouve menacé. Il tire, l’enfant est touché au visage.
Le jeune Nassur est envoyé aux urgences puis évacué vers La Réunion. Traumatisme sérieux de l’œil droit, fractures multiples, il va finalement perdre son œil.
La fiabilité du flashball en question
A la barre, ce jeudi matin, le gendarme est submergé plusieurs fois par des sanglots sincères, en racontant qu’il vit très mal cette situation. «Au début, j’ai fait une dépression», reconnait-il. Une réaction que confirment les expertises psychiatriques.
La première expertise, effectuée en novembre 2011, évoque aussi «un excès de confiance», une «impossibilité de se remettre en question», des certitudes qui l’amènent à mettre en cause la fiabilité du flashball. «Il ne savait pas qu’un flashball pouvait avoir une telle marge d’erreur», explique un rapport. Car le gendarme, aguerri dans la manipulation des armes, a toujours affirmé qu’il avait visé la poitrine et pas le visage. L’élément devrait être largement développé par la défense.
13 témoins et 5 experts
C’est donc un homme «droit dans ses bottes» mais fortement secoué à l’idée d’avoir blessé un enfant, qui a, le premier, pris la parole dans ce procès de deux jours. «Il doit être très malheureux», a dit sa mère, en fin de matinée en visioconférence.
Au total, 13 témoins et 5 experts (4 médecins et un expert balistique) devraient venir témoigner directement ou par visioconférence de métropole et de La Réunion.
Cet après-midi, le jeune Nassur sera entendu à son tour ainsi que les témoins du drame.
Pour information, les trois autres gendarmes de l’équipe ont déjà été jugés devant le tribunal correctionnel. Deux ont été relaxés et le troisième condamné mais dispensé de peine.
Le gendarme Roumiantseff risque jusqu’à 15 ans de réclusion criminelle à l’issue de procès.
RR
Le Journal de Mayotte
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