La Nuit des musées à Mayotte… Ce n’est pas la nouvelle programmation du cinéma de Mamoudzou avec Ben Stiller en tête d’affiche, mais la fête européenne des musées, date choisie pour l’ouverture du musée de Mayotte. Avec un autre Ben en guide hors pair.
Ben Saïd Abdoul Karim ne veut pas vendre la peau du zébu avant de l’avoir tué, mais son enthousiasme le trahit. Attaché territorial au conseil général de Mayotte, il vient d’être nommé chargé de projet du futur musée départemental. C’est qu’à Mayotte, c’est le grand vide, et le musée de la vanille et de l’ylang ylang seul témoin de l’histoire de l’île, a fermé l’année dernière.
La Résidence du gouverneur de Dzaoudzi (Petite Terre), à la fois symbole de la colonisation, mais aussi lieu où séjourna le sultan Adriantsouly, a été élue, choix approuvé lors de sa visite sur l’île par l’alors ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand : «Vous tenez le lieu de votre futur musée ! » Mais au regard de son état de délabrement, le montage nécessaire à sa réfection avoisinerait les 5 à 6 millions d’euros, ce qui pouvait ressembler à une folie des grandeurs alors que peu d’objets étaient encore répertoriés.
C’est la réflexion qu’ont menée main dans la main l’Etat et le conseil général pour aboutir à une solution alternative : une préfiguration du musée doit prendre place dans la caserne proche de la Légion en Petite Terre, en attendant que les 4 ou 5 années de travaux et de financement permettent d’investir la Résidence. Dans ce sens des conventions annuelles sont signées entre l’Etat et le conseil général : « en 2015, 786 000 euros, dont 406 000 euros de l’Etat, sont alloués pour les projets culturels et le patrimoine, dont les études de travaux et la préfiguration du musée dans la Caserne ».
Un patrimoine immatériel
Rarement la collaboration entre l’Etat et le conseil général n’a été aussi bonne, tient à souligner Ben Saïd Abdoul Karim, débouchant sur un plan très structuré : « la préfecture nous accompagne dans la constitution de collections, validées par un conseil scientifique qui se réunira une fois par an ». En cours de constitution, ce conseil validera une collection d’objets en fonction de son lien avec les thématiques de société choisies : « le patrimoine de Mayotte qui doit être conservé dans ce musée est essentiellement immatériel ».
La transmission orale de la mémoire par les « vieux bacocos », n’est plus suffisante à une époque où les cultures se mélangent, et où les Mahorais vont de plus en plus avoir besoin d’un lieu qui les aide à se souvenir qui ils sont…
C’est la date du 16 mai, qui est avancée pour une ouverture de la préfiguration du musée à la Caserne, pour participer ce jour-là, ou plutôt ce soir-là, à l’événement européen de la Nuit des musées.
Sagesse et canons
Cinq thématiques sont retenues autour des objets exposés et des animations :
– la Sagesse à travers la question du plurilinguisme : « une carte linguistique permettra de situer les influences, un conte sera joué par des enfants et plusieurs surprises seront proposées comme une boite magique où on pourra piocher un proverbe, un guide spirituel ».
– le Debah des femmes (danses chantées) qui participe à la cohésion sociale : « c’est une pratique esthétique de l’art islamique qui peut réunir 4 à 5 générations »
– le Douka, témoin de la mutation sociale de Mayotte : « au lieu de pousser un chariot incognito dans un supermarché, le douka représente un lien social ».
– le Sel de Bandrélé, le shinzo, « et sa méthode de récolte particulière »
– les Canons de Dzaoudzi exposés jusqu’à présent à côté de la Légion, « sur la problématique de l’insertion de Mayotte dans sa région ».
Lorsque le comité scientifique se réunira en septembre de nouveaux choix seront faits, « les collections devraient permuter tous les 8 mois environ », indique Ben Saïd Abdoul Karim. Un travail mené avec deux guides spécialisés : Michel Colardelle, assistant à maitrise d’ouvrage du conseil général, pour ce projet, et qui a porté à ses débuts le projet de Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée à Marseille, et Colette Foissey, conservateur du patrimoine.
Tout sera alors bordé pour ne pas rater trois évènements nationaux et internationaux : la Nuit européenne des musées justement ce 16 mai, les Journées nationales de l’archéologie du 19 au 21 juin et les Journées européennes du patrimoine les 19 et 20 septembre.
Un projet naturellement grand ouvert aux scolaires, « avec odes projets d’animations qui seront peu à peu mis en place avec les enseignants ».
On ne sait pas si les objets exposés auront une vie nocturne comme dans le musée new-yorkais du film, mais c’est sûr, il faudra compter avec les djinns à Mayotte…
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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