«Ému», l’adjectif revenait dans les bouches de tous les chefs d’entreprise couronnés pour ces Trophées Mahorais de l’Entreprise (TME) 2015 qui se tenait au BSMA. Un moment rare à Mayotte et preuve qu’il est possible d’entreprendre.
Initiative de Laurent Canavatte, dirigeant du groupe Somapresse (Mayotte Hebdo, Flash Info, Yao FM) qui fêtait ses 15 ans ce vendredi soir, la première édition des TME était née au lendemain des émeutes sociales de 2011 qui avait laissé les entreprises KO.
Encore cette année, l’émotion des dirigeants traduisait l’insuffisante reconnaissante de ces hommes et femmes qui furent des pionniers en terre difficile, et, pour beaucoup, y ont engagé leur capital.
Un hommage que rendait d’emblée le président fraichement élu du département, Soibahadine Ibrahim Ramadani dans son allocution : « Grâce à votre dynamisme, les jeunes ont l’espoir d’un avenir meilleur, nous avons une volonté totale de vous accompagner », en insistant sur « la production locale ».
Cinq trophées étaient au programme et un prix spécial du Jury. Ce dernier était attribué à Ida Nel, PDG de Mayotte Channel Gateway qui gère le port : « une femme d’affaires redoutable, au grand cœur, qui s’est construite à travers ses échecs, mais ne baisse jamais les bras », retraçait Freddy Novou, directeur d’UTV (Unité de Traitement de Viande), une enseigne lancée par le groupe Nel. Celle dont une zone industrielle porte le nom pour lui avoir appartenu, avait créé en 1979 avec son mari la première société de distribution alimentaire sur l’île, la S.N.I.E. (Société NEL Import Export), revendue depuis.
OIDF, Entreprise dynamique dans le social aussi
Le Trophée Jeune Entreprise était remis par Nassem Zidini, directeur de la Couveuse Oudjérébou, à Ménage Extra, créé par Anfiati Ousseni, originaire de Moheli. que le JDM vous avait présentée voici quelques mois. Basée aux trois Vallées à Majicavo, ses cinq salariés se déplacent* selon les besoins, « besoins de ménage lors des déménagements, ou d’entretien des écoles », invitait la jeune femme.
L’Entreprise dynamique, c’est OIDF à Mayotte avait décidé le jury composé de la Chambre de Commerce, de l’Adie, de la Couveuse, du SGAR, du service économie du département, du Centre de gestion agréé (CGAM), de la Chambre d’agriculture, du Medef et du Conseil économique et social.
Le plus gros organisme de formation professionnelle avec ses 65 salariés, créé en 1988, au chiffre d’affaires de 3 millions d’euros,« nominé depuis 3 ans », comme le faisait remarquer son directeur Cédric Lelaidier, investi dans sa mission « d’offrir une première qualification aux jeunes ». Il a lancé cette année l’école de la deuxième chance, et annonçait une avancée dans la rémunération des stagiaires à Mayotte, « en cours de négociation au ministère du travail ».
Carla Baltus, manager de l’année
Le trophée de l’Entreprise innovante en recherche et développement était attribué par David Nagard, directeur d’IBS et chargé du dialogue social au Medef, à l’entreprise de ferronnerie Rousseau Padial, présent depuis 15 ans à Mayotte, « pour sa participation à l’utilisation de matériaux économe en énergie ».
C’est l’entreprise de maintenance industrielle MAMI, avec ses 49 salariés, qui a été désignée Entreprise citoyenne, « pour son travail sur la la cohésion sociale ».
Comme dans toute remise de prix, le meilleur ou plutôt la meilleure était gardée pour la fin puisque c’est Carla Baltus qui a été désignée meilleure manager. Le JDM avait également consacré un portrait à cette Guyanaise qui a fait de Mayotte son île, et acheté avec ses économies son premier bus. Elle est à la tête de 3 entreprises et Carla Baltus transport possède maintenant 30 véhicules, « je rends à Mayotte ce qu’elle m’a apporté », dont un mari Mohamed qu’elle appellera à ses côtés pour partager son trophée.
Les deux faces de Mayotte
La soirée fut émaillée de discours parfois bon enfant, mais aussi grinçant, comme celui de Maskati Ibrahim Ali, élu de la Chambre de commerce et d’industrie, qui égratignait l’Etat : « nous avons autant de fermeture que de création d’entreprises en raison d’une insécurité grandissante et des cambriolages des locaux. L’Etat de droit n’existe pas. »
Une critique ciblée sur l’insécurité, puisqu’en aparté, il reconnait à l’Etat son rôle utile dans la tutelle exercée sur la CCI qui devrait être l’instigateur de ce genre événements valorisant l’économie, mais qui faute de querelle interne, n’est pas encore en mesure de le faire.
Alain Faudon, sous-préfet en charge des affaires économiques, invitait a contrario à donner une image positive de Mayotte, « l’île doit être connue pour ses potentialités. »
Le discours rassembleur, c’est Isabelle Chevreuil, vice-présidente du Conseil économique, social et environnemental de Mayotte (CESEM) qui le tiendra, défendant leurs avis sur la gestion du département, « seulement consultatif mais dont la réussite dépend de la collaboration avec le Conseil départemental, en dehors de tout clivage idéologique. L’enjeu pour Mayotte, c’est que l’Etat, le département et la société civile ne parlent que d’une seule voix ».
La soirée se poursuivait autour d’un buffet, sur des échanges souvent porteurs de futures collaborations, « c’est aussi ce que je recherche à travers cet événement », nous confiait Laurent Canavatte.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
* Ménage Extra 0639 04 12 20
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