Quoique plus difficilement, la loi s’applique aussi à Mayotte où les parents sont systématiquement condamnés avec leurs enfants mineurs. Et ce n’est pas la seule solution envisagée pour que cessent les violences inter-villages…
Le maire de Koungou Assani Saindou Bamcolo est dépassé, « d’ailleurs tout le monde est dépassé dans toutes les communes de l’île », reprend-il. Les émeutes entre jeunes dont ont été victimes les automobilistes ces derniers week-end à Majicavo ne semblent plus avoir de fin : « je suis interpellé par la police pour tenter des médiations, mais ça ne marche plus. En face, nous avons des enfants mal éduqués, et même si je construisais 40 stades, cela n’y changerait rien ! »
Le maire de Koungou appelle tous les habitants victimes d’agressions, caillassages, viols ou cambriolages à déposer plainte, « mais même dans ce cas, nous nous faisons menacer. Les gendarmes ont eu la surprise de voir un jeune qu’ils avaient interpellé la veille, leur faire un doigt d’honneur ».
Il n’en démord pas, il faut mettre les parents devant leurs responsabilités, et cela passe par des sanctions judiciaires. La loi est claire à ce sujet : « Les parents sont responsables civilement des fautes de leur enfant mineur. L’indemnisation de la victime sera à leur charge. »
Condamnés à payer 13.000 euros
Que ce soit pénalement, avec des amendes voire de la prison, ou civilement avec réparations des dégâts, les parents sont impliqués. Qu’il s’agisse de violences physiques ou matérielles, tout a un coût, et c’est par là que doit bien souvent passer la sensibilisation.
A Mayotte, la loi est appliquée, déclare le procureur Joël Garrigue : « les parents de mineurs mis en cause sont systématiquement condamnés en solidarité avec leur enfant à payer des dommages et intérêts. » Et Michel Alik, vice-procureur, de donner des exemples : « le 24 avril 2014, le tribunal pour enfants a condamné les parents d’un mineur auteur d’un vol avec effraction commis le 7 avril 2013 à payer 1.000 euros de dommages, sans parler de la condamnation pénale de 5 mois de prison avec sursis pour le jeune ».
Plus grave, dans une affaire de tentative de viol avec complicité, c’est à 13.000 euros que se monte la condamnation des parents du 13 février 2014 pour des faits commis le 23 juin 2012.
Biens saisis… quand c’est possible
Mais beaucoup sont insolvables à Mayotte. « Dans ce cas, une commission d’indemnisation des victimes fait l’avance, et les biens personnels de la famille peuvent être saisis, c’est à la diligence de la victime », indique le magistrat. Un capitaine de police aime à le répéter, « saisissez un ou deux écrans plats, et les parents vont rapidement recadrer leurs enfants ! »
Surtout que le maire de Koungou rapporte que certains parents prennent la défense de leurs jeunes délinquants…
En ce qui concerne les dégâts consécutifs aux émeutes entre les deux Majicavo, des auteurs ont été identifiés par les villageois et seront donnés à la justice, « avec dépôt de plainte en particulier pour les dégradations sur les véhicules de la Police municipale », confirme Assani Saindou Bamcolo.
En attendant, ces émeutes entre villages semblent se reproduire d’un coin à l’autre de l’île, laissant tout le monde impuissant. Outre la mise en cause des parents, le procureur appelle toutes les générations à se mettre autour d’une table, « il faut chercher à comprendre pourquoi ces jeunes se combattent », et surtout, arrêter de raisonner en village : « créons une équipe de foot par commune et non par village, bâtissons un seul terrain de foot, et les jeunes seront bien obligés de trouver des compromis », propose Joël Garrigue. Une coupe intercommunale va d’ailleurs voir le jour dès la fin de cette année, annonciatrice d’un nouveau championnat de football.
Saïd Omar Oili, président de l’association des maires, l’avait souligné, « lorsqu’un habitant de Kani-Kéli sera élu à Mtsamboro, Mayotte aura franchi un grand pas ! »
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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