Alors que le 3e Forum des Métiers et de l’artisanat de l’océan Indien a accueilli plus de 2.000 visiteurs pour son premier jour Place de la République, la chambre des métiers (CMA) organisait ce lundi un atelier sur l’artisanat à l’échelle régionale. Les enjeux sont très importants.
Aucun doute : l’enjeu économique de l’artisanat dans notre région est immense. Rien qu’à Madagascar dont les données sont fragiles, on estime à 2 millions, le nombre de personnes qui vivent directement ou indirectement de l’artisanat et parmi eux, 250.000 professionnels… «Si on ne compte que 5.000 Ariarys (1,42€) de chiffre d’affaires hebdomadaire pour chaque artisan, le secteur représenterait entre 8% et 10% de tout le PIB malgache», souligne Salomon Andrianandraina, le directeur général de l’artisanat au ministère de la culture et de l’artisanat malgache.
Et face à un secteur promis à un grand avenir dans toute la région, Mayotte se positionne plus que jamais comme un acteur de référence. Treize chambres des métiers sont aujourd’hui associées et celle de Mayotte occupe une position centrale. A Madagascar, elle accompagne par exemple les institutions en cours de structuration. «Nous participons à la création d’un répertoire des artisans, pour les connaître, les rencontrer et les organiser en filières. Depuis 2014, ça marche bien», se félicite Jean-Denis Larroze, de la CMA Mayotte.
Des avantages à se regrouper
A Madagascar, il faut convaincre de l’utilité de s’organiser mais la prise de conscience est en marche. Vendredi dernier, un colloque à Diego Suarez a réuni une centaine d’artisans pour parler formation et organisation.
Les artisans malgaches qui intègrent ces chambres des métiers peuvent bénéficier de services, d’avantages sur les transports aériens régionaux ou encore de formations. «En juillet et septembre, à Nosy Be et Diego Suarez, nous allons assurer 36 ateliers sur l’hygiène alimentaire en milieu tropical, des formations de deux jours sanctionnées par un certificat reconnu par tous», indique Jean-Denis Larroze. Et cette coopération fonctionne dans les deux sens : des artisans d’art sont venus à Mayotte perfectionner les artisans locaux aux techniques de la broderie, la vannerie ou la sculpture d’art.
« Ça fonctionne dans les deux sens et ça tombe bien car c’est une des conditions posées par l’Europe pour la mise en œuvre de fonds européens». Une enveloppe de 12 M€ sera disponible pour des projets de coopération transfrontalière dès la fin de l’année pour les 5 ans à venir et 20M€ supplémentaires sont fléchés sur les projets transnationaux sur lesquels La Réunion ne devrait pas avoir la mainmise totale.
Des échanges qui fonctionnent, des blocages qui persistent
Car Mayotte joue le jeu des échanges : l’université régionale des métiers créée par la CMA est ouverte aux jeunes malgaches et comoriens et la CMA travaille sur la certification de ses formations qui va asseoir la crédibilité des dossiers déposés auprès de l’Europe par l’ensemble de ses partenaires.
Mais il reste encore beaucoup de chantiers… y compris côté français, par exemple sur la question des visas. «Il faut qu’on se batte pour que les consulats français décentralisés puissent délivrer des visas sans que les artisans se déplacent dans les ambassades», souligne Jean-Denis Larroze. Il faut aussi qu’au niveau des Etats les législations soient harmonisées. «On a découvert que les règles ne sont pas les mêmes pour les artisans de Moroni et ceux de Mohéli». Les Mohéliens qui devaient arriver samedi n’ont pu rejoindre Mayotte que ce mardi matin et au total, toutes nationalités confondues, encore 10 visas ont été refusés.
Un grand boum dans l’océan Indien
La CMA de Mayotte est enfin un interlocuteur du gouvernement malgache qui achève la création d’un code de l’artisanat dans la Grande Île.
«Il est impératif que nous soyons structurés», souligne Brigitte Rasamoelina, la ministre de la Culture et de l’Artisanat de Madagascar. «La volonté politique nous l’avons. Je vais présenter ce code de l’artisanat au conseil du gouvernement et à l’Assemblée nationale. Et s’il est adopté, je peux vous assurer que nous accompagnerons les artisans dotés de cartes professionnelles», affirme la ministre. «Je suis sûr que le partenariat entre Mayotte et Madagascar va faire un grand boum dans l’océan Indien mais il faut que l’on soit sérieux.»
Cette coopération régionale tire tout le secteur vers le haut parce qu’un «bon artisan n’est pas forcément un bon gestionnaire et devenir un vrai chef d’entreprise, ça s’apprend», souligne Jean-Denis Larroze.
«Notre histoire, notre géographie, nos liens familiaux et sociaux font que Mayotte ne pourra évoluer qu’avec la coopération régionale et on a beaucoup à apprendre les uns des autres». La démarche devient de plus en plus concrète. Ce sont ainsi 96 artisans qui sont présents Place de la République cette année, deux fois plus que lors de la première édition du forum.
RR
Le Journal de Mayotte
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