On a peu l’habitude d’entendre nos politiciens locaux se positionner sur cette question qui fait systématiquement les gros titres en métropole. Sans jamais proposer un débat qui éviterait de se cacher derrière des dogmes.
C’est dans le cadre de la venue de Manuel Valls à Mayotte, et lors d’une interview donnée à Outre-mer 1ère, pour son émission Opinion 1ère, que le sénateur mahorais a livré son sentiment sur l’immigration massive que subit Mayotte.
Et c’est un véritable virage qu’opère le parlementaire socialiste, qu’il replace dans le contexte mahorais. Précisons que Thani Mohamed Soilihi n’est pas un homme politique aux prises de position sensationnelles, pas un tribun aux tonalités gaulliennes, pas un partisan des phrases chocs.
C’est donc avec mille précautions qu’il confie son opinion aux journalistes en plateau, et qu’il revient pour le JDM sur son cheminement : «Régulièrement, un élu jette le pavé ‘droit du sang’ dans la marre de l’immigration, sans apporter de suivi dans la réflexion, ce qui finit par desservir le débat. Du coup, on ne se pose pas les bonnes questions, en particulier, les problèmes juridiques que cela cache».
“Les motifs de Mayotte ne sont-ils pas légitimes ?”
Le droit du sol a été pensé au départ pour intégrer les populations immigrées, rappelle-t-il, «mais il est détourné par ces mêmes populations, en particulier sur nos territoires de Guyane et de Mayotte».
Pour acquérir la nationalité française, il fallait jusqu’à la moitié du XIXème siècle, être le descendant de citoyens du pays. C’est le droit du sang. Depuis, c’est le droit du sol qui régit l’obtention de la nationalité, est Français celui qui est né sur le territoire, quelle que soit la nationalité de ses parents.
«C’est un problème de droit constitutionnel», fait remarquer l’avocat Thani Mohamed qui s’interroge : «s’il s’agit de trouver des motifs légitimes à la remise en cause du droit du sol, le caractère massif de l’immigration sur notre île, ou bien la contestation de Mayotte-française par les Comores, n’en sont-ils pas ? »
De fortes amendes sans passer par le tribunal
Une question qui vaut approbation dans sa bouche : «je n’avais jamais envisagé de toucher à ce droit, mais la moitié de la population à Mayotte est d’origine étrangère maintenant. Avec les difficultés que cela suppose.» Économie informelle, centre hospitalier engorgé, établissements scolaires insuffisants et classes surchargées, pour les plus connues, sans oublier l’oisiveté et l’errance des plus jeunes sans emplois.
Et surtout, des enfants mis en danger. «Que faire de ces mineurs qui n’ont pas de repères, pas de référents ?», questionne celui qui est aussi co-initiateur de l’association Tama, d’alternative à l’emprisonnement des mineurs et qui travaille à leur réinsertion.
Il le répétera plusieurs fois : «si l’Etat s’était attaqué convenablement à l’immigration, en proposant des solutions efficaces, nous n’aurions pas besoin de nous poser cette question.»
La remise en cause du droit du sol ne laisse pas forcément le libre champ à son opposé, le droit du sang. Certains proposent en effet une alternative, la naturalisation des enfants d’immigrés légaux.
Pour Thani Mohamed en tout cas, il faut commencer par utiliser les outils juridiques à notre disposition: “les personnes qui font travailler des clandestins sont en infraction. Ils doivent être poursuivis non pas avec l’arsenal juridique habituel qui passe par un jugement, mais avec une forte amende directement délivrée par l’Officier de police judiciaire qui constate le délit.”
Cette remise en cause est un premier pas vers un débat qui doit maintenant se tenir sans tabous. Il n’a pas d’autres choix que de l’espérer.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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