Les maires perçoivent mal leur rôle en matière d’eau potable et de récupération des eaux usées. Une sensibilisation qu’a tentée le comité de bassin en se rendant dans toutes les communes pour consulter les habitants. La balle est dans leurs mains, surtout que, comme pour les soldes, il y a des opportunités à ne pas manquer.
Mayotte a des problèmes avec sa gestion de l’eau : outre le faible taux (15%) d’habitations raccordées à l’assainissement, si 75% de la population reçoit désormais l’eau potable à domicile, elle ne prend pas la mesure d’une ressource ô combien précieuse sur une île, « pour les habitants, tant qu’il n’y a pas de coupure, tout va bien, c’est un peu comme si l’eau tombait du ciel », traduit Ibrahim Boinahery, président du Comité du Bassin. Un comportement que l’on retrouve en métropole où même en période de sécheresse, les arrosages automatiques vont bon train.
Il a sillonné l’île du 19 décembre 2014 au 18 juin 2015, avec une halte dans chaque commune, pour expliquer la teneur et l’importance du Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE). Sa validation implique en effet une consultation préalable de la population.
Une implication inégale selon Ibrahim Boinahery, « une forte mobilisation en Petite Terre avec deux réunions à Dzaoudzi Labattoir, suivies par de nombreux participants ».
Une promo à 300 euros
De ces 17 passages, deux conclusions sont à tirer pour l’élu, ancien président de l’association des maires et conseiller municipal de Tsingoni : « il faut sensibiliser la population et mobiliser les élus. »
En dehors des messages d’alerte sur le gaspillage de l’eau, les habitants doivent maintenant comprendre une notion qui leur est peu familière, « se raccorder à un réseau d’assainissement ». Ce fut, et c’est toujours, difficile en métropole, ça l’est encore plus à Mayotte où le niveau de vie n’incite pas à une dépense dont on ne voit pas le résultat immédiat.
« Les habitants ont pourtant tout intérêt à se raccorder à un réseau d’assainissement maintenant tant que l’Etat subventionne à travers l’ONEMA à hauteur de 2.000 euros par branchement. Ils n’ont que 300 euros à régler au Syndicat des eaux, mais cela ne durera pas, nous sommes sur la fin des crédits », met en garde Ibrahim Boinahery. Il faudra par la suite s’acquitter de la totalité, soit 2.300 euros… D’autant plus que le raccordement est déjà facturé pour les habitants à proximité du réseau d’assainissement, « certains paient sans demander le raccordement ! ».
Une « SMIAMite aïgue »
La carte des stations d’épuration, des méga-stations, se dessine : Bandrélé, Petite Terre, Tsingoni, Koungou, et le bloc Sada-Chiconi-Ouangani, « où tout a été stoppé par la découverte de fouilles ».
La croissance de consommation en eau potable est suivie par la campagne de forages, et par la construction de la retenue collinaire de l’Ouroveni, inscrite au SDAGE.
Sur les autres territoires, l’étude et le suivi de la ressource en eau, des milieux aquatiques et littoraux, sont du domaine de l’Office de l’Eau. Absent à Mayotte. A gouvernance départementale, avec une participation nationale, et un cofinancement ponctionné sur les factures des abonnés, personne n’a jusqu’à présent poussé pour sa création, essentiellement par ce que nous appellerions une « Smiamite aïgue », qu’Ibrahim Boinahery résume parfaitement : « nous voulons avoir l’indépendance de la gouvernance, mais il faut savoir l’assumer. »
Le Syndicat des Eaux et Assainissement de Mayotte, le Sieam lui-même, qui a pourtant jusqu’à présent mené ses missions à bien, vit difficilement son changement de gouvernance, que le recrutement d’un nouveau Directeur est censé pallier. Son équipe dirigeante s’est malgré tout mobilisée pour sensibiliser la population.
En attendant, des idées simples ont déjà été lancées, comme la construction de lavoirs dans chaque commune, gérés par des associations. Lieux conviviaux, ils permettraient d’assainir les rivières qui subissent toujours les déversements de lessives et polluants.
Un Office de l’Eau pourrait pourtant gérer les fonds européens, en s’appuyant notamment sur le Schéma directeur d’assainissement, et se substituer à l’Etat qui, à travers la DEAL garde jusqu’à présent l’initiative. Une structure qui trouverait les leviers pour sensibiliser les maires.
Et la marge est énorme : « à Dembéni, le maire nous a demandé d’installer des panneaux interdisant aux voitures le lavage en rivière. Mais c’est précisément un des points sur lesquels nous les sollicitons ! », rapporte Ibrahim Boinahery. Une inversion des rôles qui montre le peu de clarté qu’ont encore les communes sur la prévention qui leur incombe.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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