En 2009, la société SMCI, jusqu’alors leader des ventes de voitures à Mayotte, est placée en sauvegarde comme le groupe réunionnais Caillé dont elle dépend. Le directeur Alan Pinson, évoque la stratégie qu’il a mise en place, qui ne laisse place à aucune dérive.
«Nous espérons être enfin sortis de la période extrêmement troublée dans laquelle nous nous trouvions pour pouvoir redémarrer sur de nouvelles bases », souhaitait en 2010 François Caillé, président du groupe éponyme ancré à La Réunion depuis 1840. Cette année là, Charles-Aimé Caillé, limonadier, arrivait de sa Rochelle natale pour se lancer sur le marché réunionnais. Grande distribution et automobile seront les fleurons de ce que développeront ses descendants, et dont les rênes sont tenues aujourd’hui par François Caillé.
En 2009, trois des entreprises déficitaires du groupe font tomber un château dont les cartes ne sont pas assez compartimentées. L’une d’entre elles, la SMCI à Mayotte, est placée en procédure de sauvegarde comme 45 autres sociétés du groupe, « en local, l’entreprise s’était depuis plusieurs années endormie sur ses lauriers, alors qu’elle était leader sur le marché », commente Alan Pinson le directeur de la SMCI arrivé le 1er juin 2012. Il évoque également des dérives.
Lorsque le groupe Caillé traverse une crise sans précédent en 2010, la SMCI commercialise sa marque historique, Peugeot, ainsi que Kia, Opel, Iveco, Citroën, BMW, et détient la carte d’importateur de Fiat. Ses trois concurrents sont alors MMC (Ford, Toyota, Suzuki), SOMIVA (Renault et Dacia) et ZOOM (Nissan).
Deux marques « fratricides » sur un petit marché
Premier effet de la restructuration du groupe, il perd la marque BMW, à La Réunion comme à Mayotte.
Si Alan Pinson peut affirmer aujourd’hui que la société mahoraise du groupe Caillé se porte mieux, c’est que certaines mesures ont été prises.
Lors de son arrivée à Mayotte, il décide tout d’abord de revendre Citroën pour un repositionnement stratégique autour de la marque Peugeot : « c’était fratricide d’avoir sous un même toit deux marques dont certaines unités, comme les utilitaires, étaient très similaires ». Citroën sera donc revendue à MMC, « une opération bénéfique pour la SMCI », commente le directeur.
Mais ce n’est pas tout, il faut imprimer pour les clients et le personnel, un virage fort. « Je décide de remettre le client au centre du dispositif. On a pensé à tort qu’il n’y avait plus d’effort à fournir pour maintenir notre position de leader ».
Or, les exigences dudit client se font plus fortes avec la masse d’informations qui lui parviennent quotidiennement, notamment par le web. Il réhabilite le parking du siège au rond-point Méga, améliore la signalétique, rénove la concession et rationalise le stock de voitures. Et part sur un principe plutôt simple : « l’après-vente, c’est de l’avant-vente. Si le client n’est pas satisfait, il ne reviendra pas. Il faut savoir qu’un client mécontent en fait fuir 7, alors qu’un client satisfait n’en ramène qu’un autre. » Un responsable qualité est nommé, il teste les voitures en sortie d’atelier.
Vol de batteries dans les véhicules
Ses gros clients s’appellent Colas, EDM, Sogea, « nous les avions trop négligés ». Certains reviennent, comme les pompiers.
La restructuration du groupe régional a provoqué de la casse chez le personnel avec des plans sociaux dans chaque entreprise. A Mayotte, Budget est vendu, comme MDS (poids lourds), Mayauto (Opel) fermé, AML mis en dormance, « une réduction du personnel d’une soixantaine de personnes, sans compter le plan social touchant 40 personnes ».
Constatant des errances au sein même de la SMCI, Alan Pinson met en garde sur des sanctions immédiates s’il prend “quelqu’un la main dans le pot de confiture”. « Les clients se plaignaient de vols dans leurs véhicules, il y avait même eu échange de batteries neuves contre des usagées ! ». Le directeur financier est d’ailleurs licencié.
La 301 plébiscitée par les taxis mahorais
La société ne possédait plus que 19,5% de parts de marché en 2011, les événements sociaux ayant rajouté du conjoncturel aux difficultés structurelles. C’est-à-dire que sur 10 voitures vendues, seules 2 sortaient de la SMCI. Grâce aux mesures de restructuration, la société regagne, et affiche 31% de parts de marché en 2014, année où il s’est vendu 1.268 voitures au total à Mayotte. Le groupe Caillé se retrouve dans les hauts du classement du TOP 500 des entreprises régionales, en 6ème position (en perte d’une place par rapport l’année dernière).
Ils sont aujourd’hui 36 salariés à représenter la marque Peugeot, « nous sommes tous des ambassadeurs de la SMCI. Je leur ai expliqué que la société avait failli passer l’arme à gauche, qu’elle était sortie du coma et de réanimation, mais qu’elle ne pouvait pas encore courir le marathon. Ils ont traversé deux plans sociaux et ont besoin de reprendre confiance dans l’entreprise ».
Actuellement, le plan de sauvegarde suit son cours, « la société participe aux dix échéances annuelles pour payer les 240 millions d’euros que doit le groupe ».
Une marque qui propose sur le plan national une montée de gamme : Citroën, Peugeot et DS, puisque cette dernière s’affirme aujourd’hui comme marque Premium.
A Mayotte, un nouveau 4×4 haut de gamme est annoncé, la 4008. Mais la voiture leader de la marque sur l’île est la 301, « une berline familiale conçue pour les DOM TOM qui a été achetée par une cinquantaine de taxis sur l’île ». Elle n’est pas commercialisée en métropole, son rapport qualité-prix la destinant à la clientèle ultramarine.
La tempête est passée, pour Alan Pinson, « nous avons retrouvé notre position de leader avec 393 immatriculations l’année dernière ». La SMCI proposera même une nouvelle marque l’année prochaine, arrivée tout droit de La Réunion… à suivre.
Elle était le plus gros contributeur du Bataillon du Service Militaire Adapté (BSMA), avec une 301 en 1er lot.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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