CARNET DE JUSTICE DU JDM. 3.000 euros, ça ne disparaît pas comme ça. Il suffit simplement de savoir ce qu’ils sont devenus. C’est la question à laquelle doit répondre le tribunal de Mamoudzou. Ces 3.000 euros, c’était la recette de la journée du 22 novembre 2013 de l’agence Inter Îles Air. Ils sont arrivés sur le bureau d’un comptable de la compagnie aérienne qui a pris soin de remplir le bordereau de remise d’espèces du Crédit agricole où il devait les déposer… mais où ils ne sont jamais arrivés.
La société s’en est rendue compte quelques mois plus tard. Il y avait bien le bordereau, une pièce comptable normalement archivée dans les classeurs, mais pas la somme correspondante sur les comptes. La société et sa gérante portent plainte. L’enquête démarre.
Le prévenu nie farouchement
Ce mercredi, le comptable se retrouve à la barre, poursuivi pour abus de confiance mais il nie farouchement les faits. «Pourquoi j’aurais archivé le bordereau si j’avais détourné cet argent», argumente-t-il. Il s’enflamme pour raconter de multiples détails de cette journée, coupe la parole au président, au procureur, pour ne rien lâcher. Il veut absolument qu’on le croit. «On manipule beaucoup d’argent et il n’y a jamais eu de soucis».
Les 3.000 euros qu’on lui reproche d’avoir indûment encaissé sont en effet à mettre en rapport avec le chiffre d’affaires de la société «à Mayotte et aux Comores» qui serait selon le prévenu de 3,5 millions d’euros.
Un jeu d’enveloppe
Cette journée du 22 novembre 2013 était un peu particulière chez Inter Île Air. L’agence avait fermé plus tôt que d’habitude car, en interne, on organisait le pot de départ d’une autre comptable. Elle quittait Mayotte pour La Réunion. Chargée de la saisie des factures, elle ne faisait que très rarement des dépôts, uniquement en cas de demande expresse de la dirigeante de la société.
Selon le prévenu, c’est à cette salariée sur le départ qu’il confie d’abord l’enveloppe et le liquide. Sa fille est malade, il doit partir rapidement. Mais finalement, il affirme suivre les consignes de sa patronne. Il récupère la fameuse enveloppe car l’argent ne doit plus être déposé au Crédit agricole mais sur un autre compte, à la BFC OI.
Le comptable explique remettre la recette à sa chef, tout en archivant le bordereau qui ne sera donc pas utilisé. Il est pourtant signé et daté de sa main… «Une preuve légale du dépôt», indique le procureur Garrigue, qui reconnaît «avoir du mal à suivre» le déroulement des faits raconté par le prévenu.
Dans quelles poches ?
Cette version, le prévenu est en effet le seul à la soutenir, malgré toute l’énergie de sa conviction face à la représentante d’Inter Île qui argumente à son tour : «Pourquoi j’aurais volé 3.000 euros ?» demande-t-elle. «C’est une société familiale, je gagne suffisamment ma vie… Je ne vais pas faire ça», affirme-t-elle très calmement.
Me Ousseni, l’avocate de la société et de sa gérante, enfonce le clou : elle dénonce les «mensonges» et les «tergiversations» d’un ancien salarié, depuis licencié pour incompétence.
«Nous n’avons pas de volonté particulière d’en vouloir à un salarié qui ne nous a pas fait du bien», indique l’avocate, pour mieux contrer l’argument du complot. Me Idriss, le défenseur du mis en cause va effectivement dénoncer un acharnement, une enquête menée à charge, l’absence de preuves… «Juridiquement, vous n’avez aucun élément. Tout repose sur les déclarations» de la gérante.
Délicate conviction
Après plus de deux heures et demi d’instruction, le procureur a requis 6 mois de prison avec sursis, l’obligation d’indemniser la société et l’interdiction d’exercer des fonctions de comptable. Me Ousseni a réclamé 5.000 euros de préjudice moral, 3.000 euros de préjudice matériel et 2.500 euros de frais de justice. Me Idriss a logiquement défendu la relaxe de son client.
Après plus de deux heures et demi d’audience, le tribunal s’est encore donné deux semaines pour reprendre tous les éléments et finir de se forger une conviction bien difficile à imaginer. Le délibéré sera rendu le 8 juillet.
RR
Le Journal de Mayotte
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