« Soyons des forgerons, des acteurs de notre économie »…. Daourina Romouli-Zouhair, Conseillère économique et social de Mayotte, démarche les habitants des villages de Mayotte. Et pour pouvoir financer leur projet, un outil semble tout indiqué, la microfinance. Mais elle ne peut réussir seule.
Le microcrédit, la microfinance sont des termes qui parlent d’eux-mêmes : cette dernière fournit un ensemble de produits financiers, crédits, épargne, assurance, aux personnes exclues du système financier classique, par de petites sommes à rembourser rapidement. Peu ou pas de garantie n’est demandée en échange, elle est donc le plus souvent répandue dans les régions pauvres.
Elle prend peu à peu la place à Mayotte de la traditionnelle tontine, où les membres de la famille ou du village, se prêtent les uns aux autres. Des dettes traditionnellement honorées donc, qui permet à l’Adie, principal pourvoyeur de microcrédit sur l’île, d’afficher un taux de remboursement de plus de 99%.
Se lancer, c’est aussi assurer son propre avenir dans une île où tout le monde ne pourra pas être agents du conseil départemental ou de l’Etat.
La place de l’économie non déclarée, informelle à Mayotte, et la nécessité d’inclusion sociale, a incité l’Agence Française de Développement (AFD) à organiser jeudi et vendredi derniers un Séminaire régional sur le thème de la microfinance, en présence de Marine Viala, Responsable Partenariats Publics de l’Adie. Pour tisser un réseau entre Mayotte et les île qui l’entourent : La Réunion, l’Union des Comores et Madagascar.
De la « micro-coopération régionale »
On peut dire que l’AFD Mayotte a de la suite dans son idée de se fédérer en réseau : avec le Séminaire régional sur l’eau organisé le mois dernier, elle tente d’initier un dynamisme mutuel qui élargit nos marchés restreints, offrant des possibilités d’ailleurs dans le développement.
Les Outre-mer présentant un contexte favorable au développement de la microfinance pour plusieurs raisons : un tissu économique propice, un nombre de bénéficiaires potentiels important et un accès difficile au crédit bancaire. Pour le Conseil Economique Social et Environnemental, le développement de la microfinance dans les Outre-mer est un facteur de définition d’un nouveau modèle économique.
Encore faut-il en connaître les potentiels et les freins, à l’intérieur même de chaque territoire, pour initier un développement commun. Réussir en quelque sorte une coopération régionale par la microfinance qui n’a jamais abouti ailleurs. Et qui n’est toujours pas sur la bonne voie en dépit de l’arrivée de la coopération transfrontalière européenne de 11 millions d’euros, en raison de la mésentente France-Comores au sujet de Mayotte.
Déficit de statistiques sur le secteur informel
Trois tables rondes étaient proposées, qui mettent en valeurs des insuffisances : « alors qu’il sert d’amortisseur social, nous n’avons pas de données statistiques sur le secteur informel à Mayotte, contrairement aux Comores et à Madagascar », déplorait Nicolas Lejosne, directeur-adjoint sur le départ de l’AFD Mayotte, ou « la mesure d’impact du microcrédit doit-elle se faire sur le chiffre d’affaire, l’emploi, le temps de travail ? »,
En sortent trois directives, résumées par Patrick Salles, directeur de l’AFD Mayotte, qui veut en faire une feuille de route : « Appréhender le secteur informel pour évaluer le secteur économique de base, maintenir le contact entre les acteurs participant à la table ronde, améliorer l’accompagnement des bénéficiaires du microcrédit. »
La microfinance, réducteur de pauvreté ?
Les taux d’intérêt pratiqués sur ces prêts de court terme, qui avoisinent parfois les 20%, sont montrés du doigt. Ils trouvent leurs explications dans l’emprunt que souscrivent les Institutions de microfinance (IMF) auprès des banques, et sur lesquels ils doivent en plus dégager une marge. « Le risque est toujours de provoquer un surendettement », souligne la représentante d’un IMF comorien, « c’est pourquoi notre premier objectif n’est pas de gagner de l’argent, mais de faire sortir notre pays de la pauvreté. Nous pilotons trop souvent avec des indicateurs financiers, quand il faudrait le faire avec des indicateurs sociaux ».
Prouver que la microfinance réduit la pauvreté a été l’objet de plusieurs études nationales et internationales. Certaines en doutent. Mais le contexte structurel des pays dans lequel elle s’exerce, précisément des pays ou régions pauvres, est aussi à prendre en compte : une insuffisance de réseau routier, de développement touristique, un environnement insécuritaire peut « planter » un développement, alors que le tissu de microsociétés ne demanderait qu’à s’épanouir.
« Un jour ou l’autre, il faudra basculer vers le secteur formel pour accéder aux marchés publics et à la croissance », soulignait Nicolas Lejosne. Pas sûr qu’à Mayotte l’élément soit aussi déterminant que cela, plusieurs micro entrepreneurs (et les doukas en sont un exemple), ne rêvent pas forcément de grossir, mais de pérenniser simplement leur activité.
La microfinance n’est qu’un outil qui est dépendant d’un dynamisme plus global qui doit aller de pair.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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