CARNET DE JUSTICE DU JDM. Dans un lieu de privation de liberté comme une prison, la moindre tension peut prendre rapidement des proportions insoupçonnables. C’est ainsi que le 11 février dernier, un prisonnier laisse exploser sa rancœur en plein de repas. Il balance son plateau au visage d’un surveillant de Majicavo. Le plat en sauce particulièrement chaud brule le gardien. Sept mois après les faits, le surveillant se plaint encore de troubles de la vue et doit consulter un spécialiste en métropole dans quelques semaines.
Le motif de la colère du détenu : les conditions du retour dans sa cellule après un coup de fil qu’il avait obtenu de passer. Le prisonnier prend son temps, discute avec d’autres compagnons de détention, pose des questions à chaque porte. Logiquement, le surveillant lui demande de se presser, ce qu’il n’apprécie pas du tout. Il attendra le soir pour se venger. En plus du lancer de plateau, il profère des insultes et des menaces de mort : «Je vais te tuer, espèce de Comorien de merde», lance-t-il au gardien. Il n’a pas été poursuivi pour insulte raciste mais il s’en est fallu de peu.
«Vu votre casier judiciaire, vous avez suffisamment l’habitude de la prison pour savoir qu’un surveillant a toujours raison», relève le président Benjamin Banizette. A la barre, le prisonnier s’explique: «Il avait insulté ma mère», affirme-t-il, laissant le tribunal sceptique. Sa version est d’ailleurs rapidement contredite par le surveillant qui a tenu à témoigner à l’audience. «Je ne l’ai pas insulté. C’est absolument interdit d’insulter les détenus.»
Un détenu “récalcitrant et agressif”
Et le gardien d’offrir un autre visage du détenu, moins policé que l’attitude qu’il présente à la barre : «Il est récalcitrant et agressif. Depuis ce jour, il est allé 5 fois au quartier disciplinaire». Le prisonnier a pourtant écrit une lettre d’excuse quinze jours après le jet de repas. «Des excuses de circonstance», pointe Me Briard, l’avocate du surveillant… Car le prisonnier a réitéré ses menaces, en commission de discipline: «Dehors, je vais te faire la peau», aurait-il dit au gardien.
«Le métier de surveillant pénitentiaire est difficile, c’est pour cette raison qu’il est particulièrement protégé par la loi», relève l’avocate. «Il y a un impact physique mais il faut aussi penser à l’impact psychologique. Ce n’est pas simple pour une personne qui a choisi ce métier-là de penser qu’elle prend un risque en allant au travail», explique le procureur Léonardo.
2 mois de plus
Pour le prisonnier, l’audience semble de moins en moins favorable. On apprend ainsi qu’il est sous le coup d’une double condamnation pour des violences avec armes depuis 2010 et qu’une mesure de placement extérieur a été annulée pour le réintégrer à la maison d’arrêt de Majicavo. On lui a aussi retiré 36 jours de remise de peine. Il est désormais libérable en mars 2016.
Le procureur demande 4 mois ferme, le juge Banizette va trancher pour 2 mois. Le surveillant devra, de son côté, se plier à une expertise médicale pour établir l’ampleur des troubles de la vision qu’il subit. Elle sera déterminante pour fixer le montant des dommages et intérêts au mois de février prochain.
RR
Le Journal de Mayotte
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