Parmi les nombreux rendez-vous des journées européennes du patrimoine, la mairie de Mamoudzou proposait de retrouver l’histoire de Mgombani. Bien loin des grands immeubles en chantier, une vie rurale entre baobab et grotte aux esprits.
Des bangas en torchis en contre bas de la rue du commerce, une grotte de sel sacrée, une mangrove nourricière pour les habitants du quartier… C’était Mgombani et ce qui est à peine croyable, c’est que cette description du quartier décrit un quotidien vieux d’à peine 25 ans. En une génération, l’histoire, les djinns et l’héritage ont été balayés par la route, les établissements scolaires et maintenant des immeubles d’habitation parmi les plus hauts du sud de l’agglomération de Mamoudzou. «Mgombani, ça signifie la bananeraie. Mais même les gens de mon âge, qui ont plus de 50 ans, n’ont jamais connu des plantations de bananes. Ici, c’était des cocoteraies et la décharge de Mamoudzou, avec les pauvres et les immigrés», explique «Monsieur Béret», Mohamed Abdouhamissi, chargé des affaires culturelles à la mairie de Mamoudzou.
Dans l’école maternelle du quartier, il présente ce week-end des photos de ces temps pas si anciens et pourtant à des années lumières du quartier d’aujourd’hui à l’occasion des journées du patrimoine. Il propose aussi des visites du quartier. «Tout a complètement changé. A l’emplacement de l’école maternelle, c’était la mangrove. Il n’en reste que 17 hectares mais elle couvrait plus de 30 hectares avant d’être coupée». Agglutinés autour des images d’archives, les enfants écoutent Mohamed Abdouhamissi expliquer que le quartier possédait deux lieux symboliques très forts.
Bwé la chingo, le lieu sacré détruit
A l’endroit où s’élève la maison du principal du collège, se trouvait une grotte de sel, «Bwé la chingo, c’était un lieu sacré. On nous disait que c’était la maison des djinns et il y avait des animaux qui venaient, je me souviens d’un faucon qui nichait à proximité. Mais pour construire le collège, ils ont emmené des pelleteuses et ils ont détruit la grotte». Les anciens du quartier n’ont pas manqué de relever les phénomènes étranges qui se sont succédés après la démolition de cet endroit aux esprits. Un conducteur d’engin est mort sur le chantier puis des chenilles et des fourmis ont envahi le quartier dans des proportions dantesques.
«Les anciens disaient, ‘on détruit notre lieu sacré’. Et quand on a ouvert le collège, le principal les a autorisé à venir faire une prière pour demander au djinns qu’on utilise leur endroit pour nos enfants.»
«Je t’envoie au baobab»
Autre lieu important du quartier, le cimetière. Mais là encore, les aménagements n’ont pas fait grand cas des lieux. Le cimetière ancien a été remblayé à tel point que les inhumations actuelles se font plus de 2 mètres au-dessus des anciennes tombes. Quant au baobab géant, «qui avait plus de 200 ans», symbole fort de l’endroit, il a été arraché. «A Mamoudzou, il y a encore une expression qui dit ‘Attention ou je t’envoie au baobab’, ça veut dire ‘attention où je te tue’. Ca vient de là», relève Mohamed Abdouhamissi.
L’artère qui traverse le quartier et qui va bientôt être relié à la rue du commerce porte d’ailleurs encore le nom de “boulevard du baobab”.
La route a coupé la mangrove en 1986 puis des cases SIM se sont élevées pour loger les pauvres et les immigrés qui étaient venus s’entasser. D’un chantier à l’autre, ce sont ces mêmes cases SIM que l’on s’apprête à vider de leurs occupants pour les réhabiliter, des habitants qui seront installés provisoirement dans les nouveaux immeubles le temps des travaux. En 25 ans, le village rural et traditionnel est devenu un quartier d’une agglomération qui ne cesse de se métamorphoser en faisant souvent table rare de son passé mais pas tout à fait de sa mémoire.
RR
Le Journal de Mayotte
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