Mayotte a au moins trois bonnes raisons de se lancer dans la recherche scientifique, selon le docteur Laurent Bayonne : l’amélioration de la santé de sa population, les millions d’euros que cela peut rapporter, et la notoriété. En attendant la volonté politique, il développe lui-même les compétences locales.
« Au niveau mondial, la recherche est un déterminant majeur de développement économique. D’ailleurs, 82% du public européen pense qu’il faut la développer », déclare le docteur Bayonne, Chargé par le département de la surveillance épidémiologique du territoire.
Et son domaine, c’est la santé : « La recherche améliore la qualité de soins et éclaire la médecine. Mais même devenu adulte, notre département restera isolé », remarque-t-il en évoquant notre population hétérogène et incontrôlable « qui nécessite une surveillance continue pour détecter les maladies contagieuses. Or, en cas de crise sanitaire, nous n’avons aucune équipe locale. Et donc un gros risque de mortalité en cas d’intervention tardive. »
En comparaison, si la Guadeloupe et la Martinique peuvent se porter secours mutuellement, la Guyane possède, elle, un Centre de recherche et bénéficie de sa propre Agence de santé.
L’urgence d’un Centre de recherche scientifique
Il évoque un deuxième champ d’application prioritaire, le lagon. « Les espèces animales et végétales y sont en souffrance. Il faut en répertorier les sites de production avant que la technologie, sous forme d’une réelle production aquacole, ne vienne tout perturber. »
La recherche scientifique est une compétence du conseil départemental, avec une direction dédiée. « Les politiques doivent porter le projet d’un Centre de recherche », martèle-t-il, « l’Europe souhaite que chaque département en abrite un. Il pourrait notamment mener des investigations cliniques à la demande d’un laboratoire. Ce sont des millions d’euros qui pourraient arriver sur le territoire. Exactement ce qui s’est passé en Inde ! »
En l’absence d’actions notables à Mayotte, pas question pour Laurent Bayonne de rester les bras croisés. Il a co-créé une association européenne de la formation et d’assistance médicale de proximité, qui développe les actions de formation et d’assistance sanitaire auprès des populations en souffrance.
Un hôpital privé
C’est donc lui qui avait invité les scientifiques du Centre de recherche de Montpellier l’année dernière pour former des professionnels mahorais, mais aussi régionaux, en recherche clinique et épidémiologique. Le tout financé par son association, soutenue par des contributeurs que sont le Centre d’Imagerie médicale Kamal-Messaoudi et Ambulance centrale. Une deuxième action est programmée en 2016, avec la venue de Strasbourgeois et de Nancéens pour une même formation auprès des infirmières de Mayotte.
Sa deuxième bataille porte sur l’hôpital. Il rappelle que les problèmes posés par les évacuations sanitaires, et qu’il a constamment soulevés, trouveraient leur solution dans la création d’un plateau technique. « Or, l’établissement actuel est insuffisant et nous sommes le seul territoire à ne pas bénéficier d’un hôpital privé. Une complémentarité serait stimulante pour les deux structures et attireraient des investissements privés ». Et un tel projet aurait été décrété rentable par un grand groupe financier.
Accès à l’enseignement supérieur… à distance
Si en 2011, alors qu’il exerçait au Blanc Mesnil, le docteur santé du conseil général Anna Daubigney, est venu le chercher, il a pris conscience rapidement de la difficulté de sa mission en raison des freins locaux et régionaux.
Parce qu’on ne peut pas envisager une épidémie à Mayotte sans qu’elle se répande dans la région, ou inversement, Laurent Bayonne a aussi créé un outil adapté, le CREDECAM, un club régional de recherche et de recueil de données épidémiologiques des évènements de santé qui peuvent avoir une incidence anormale sur nos voisins. Mais pour récolter, il faut des acteurs Mahorais, Malgaches, Comoriens, Tanzaniens… et compétents.
Et toujours parce qu’il faut former tous azimuts, le docteur Mac Gyver sort un autre outil, une Médiathèque d’études préparatoires aux Diplômes d’enseignements supérieurs, confiée à des universités françaises, européennes et canadiennes, développent l’enseignement à distance* : « nous cherchons une structure d’accueil pour les accueillir. Certains ont commencé chez eux. »
Il résume son idéal en une phrase : « un département qui fait de la recherche, c’est son hôpital et sa santé qui évoluent ».
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
*Renseignements au 0639 07 77 60 ou au 0639 20 43 99
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