L’actualité brûlante sur ce sujet rend urgente la solution à trouver aux problèmes d’indivision et de Zone des pas géométriques. Les quatre sénateurs qui planchent sur ce sujet pour l’ensemble de l’Outre-mer, étaient un peu décontenancés par l’ampleur du problème. Ils ont quand même évoqué quelques pistes. Et appelé à la patience.
La mission sénatoriale menée sur le foncier, conduite par le président de la Délégation sénatoriale à l’outre-mer, Michel Magras, sénateur de Saint-Barthélemy, et constituée du sénateur de Mayotte Thani Mohamed Soilihi, rapporteur coordonnateur, de Robert Laufoaulu, rapporteur et sénateur de Wallis-et-Futuna, ainsi que de Mathieu Darnaud, sénateur de l’Ardèche et Membre de la commission des lois constitutionnelles, boucle son séjour à Mayotte.
Sujet brûlant puisque des routes ont été bloquées, et une personne a même été séquestrée à Bouyouni ce week-end, pour le seul motif de revendication de la terre.
C’est peu de dire que l’île attend beaucoup de cette mission. Mais sans s’être jusqu’à présent doté de moyens nécessaires à la résolution de ses problèmes. Pas d’Etablissement public foncier à même de régler les problèmes d’indivision- il a été acté dans la loi de modernisation des Outre-mer la semaine dernière-, une Maison départementale du Foncier qui a été créée il y a deux ans, mais qui aurait besoin de compétences, notamment de juristes…
« On ne voit vraiment bien qu’avec ses pieds »
C’est donc une situation difficile qu’ont découvert nos quatre sénateurs : « je me demande comment on va s’en sortir ! », s’interroge même Robert Laufoaulu, s’étonnant de trouver plus compliqué qu’à Wallis et Futuna.
Pour comprendre la difficulté, ils ont donc tenu à venir sur place, « parce qu’on ne voit vraiment bien qu’avec ses pieds », déclarait Mathieu Darnaud, encore interloqué de la forte confluence droit commun-droit local.
Une situation issue du flou du décret de 1911, qui rendait optionnelle la régularisation « des autochtones », tout en l’imposant pour les autres, les étrangers dépendants du droit commun. Ces derniers ont donc des titres officiels que ne possèdent pas les premiers, qui, depuis, ont eu des enfants, qui ont légué à leurs enfants, etc. Un problème d’indivision qui s’aggrave avec le temps et crée des tensions.
« L’Etat a conscience que les textes nationaux sont inadaptés ici »
Ils ont donc visité des communes où dominent des imbroglios de plusieurs types. Prenons l’exemple de la commune de Chiconi, révélatrice de la situation générale à Mayotte. Les espaces forestiers disparaissent rapidement sous la pression démographique. « Prés des trois quarts du territoire urbain sont édifiés sur des titres privés en indivision et sur le domaine public maritime », nous explique Ismaël Kordjee, directeur de la Maison départemental du Foncier.
Premier problème qui se pose à la délégation : qu’on l’appelle « zones des 50 pas du roi » ou « Zone des pas géométrique », c’est la même bande de 81,20m en partant de la mer, propriété de l’Etat. Que faire de ces villages entiers implantés sur la zone littorale ? Actuellement, l’occupant doit racheter son propre terrain à l’Etat, à un prix inférieur au marché, nous avaient indiqué les services fiscaux. « Quelque soit le problème, les solutions ne pourront être qu’originales, que du cousu-main pour Mayotte », commente le sénateur de l’Ardèche. La cession gracieuse n’a pas été évoquée, mais fait partie des possibles. Car tous les acteurs rencontrés sont d’accord pour trouver une solution convenable à tous, « l’Etat a bien conscience que les textes nationaux sont inadaptés ici. »
Mesures de rétorsion
Poursuivons sur notre commune de Chiconi. Son domaine privé communal, les réserves foncières par exemple, est occupé illégalement. « Il faut dans ce cas que la commune applique des mesures de rétorsion en urgence », indique Ismaël Kordjee. C’est ce qu’a fait la commune de Mamoudzou la semaine dernière en détruisant un banga occupé illégalement. Une situation qui entrave toute rentrée fiscale pour la commune.
Si Chiconi est arrivée à se constituer un patrimoine public communal, avec des infrastructures de voierie, elle n’en maitrise pas le foncier, freinant donc tout investissement communal, et ses bâtiments sont construits sur des terrains privés en indivision. « Une terrain appartient à une soixantaine de propriétaire », indique-t-il. Ni la régularisation foncière, ni l’indivision n’ont été réglées.
« Manifestement, la population n’a pas été préparée à la départementalisation », constatent en cœur les sénateurs qui implorent de leur laisser le temps de murir des décisions qui seront déterminantes, « on ne sait pas encore sur quoi cela va déboucher sur le plan législatif », complété par Thani Mohamed Soilihi, « mais nous sommes condamnés à trouver une solution. » Ils appelaient néanmoins à la patience, “nous devons faire une synthèse de l’ensemble des Outre-mer visités.”
Mais ils ont déjà des pistes : « les maires, bien que proches de la population, ne se sentent pas capables de trancher sur ces conflits complexes. L’Établissement public foncier ne pourra pas tout gérer, il va donc falloir trouver un opérateur neutre qui prendra en charge l’indivision ». Ce pourrait être des géomètres experts par exemple.
Des pistes pour dénouer l’indivision, ils en ont : « sans être certains que cela soit accepté par les indivisaires, et, en cas de proposition budgétivore, par le gouvernement. Mais il pourra s’en saisir pour reprendre la main », confiait Thani Mohamed Soilihi, « en tout cas, tous les acteurs, publics ou privés, nous sommes tous responsables. »
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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