CARNET DE JUSTICE DU JDM. Maîtriser la langue arabe peut donner une prestance particulière à Mayotte, un certain respect. Abdel A.H. l’avait parfaitement compris. Ce ressortissant égyptien, arrivé à Mayotte fin 2013, se faisait payer pour faire des prières pour des habitants de Koungou… Il était pourtant loin d’être l’homme qu’il prétendait. Religieux pour gagner de l’argent, il n’hésitait jamais à se descendre une petite bière ou à fumer du bangué, autant de pratiques que la pratique de l’islam récuse.
Mais s’il était à la barre du tribunal, ce lundi, c’était pour un autre volet de sa personnalité, encore plus trouble. Abdel est un homme violent, un individu qui n’hésitait pas à battre ses proches, à menacer et terroriser son entourage.
Abdel a fui l’Egypte en 2011 au moment du renversement du président Moubarak. Marié à une femme d’origine anjouanaise, il avait rejoint les Comores avant de prendre un kwassa pour Mayotte.
Un an de tyrannie
A son arrivée dans le département, il était seul, à la rue et dormait dans une mosquée. Une femme va alors lui proposer de l’aider et au fil du temps, des liens se nouent jusqu’au mariage. Mais dès le lendemain de leur union, elle découvre le véritable visage de son mari. L’homme ne veut plus que son épouse sorte, que d’autres personnes viennent dans leur maison. Il ira même jusqu’à menacer de mort l’ancien compagnon de sa femme avec lequel elle a eu deux fillettes. Un an de tyrannie.
Les colères sont toujours plus nombreuses, jusqu’à 3 à 4 fois par semaine, et elles sont toujours plus violentes. Coups de poings, coups de pieds, il utilise même du fil électrique pour se déchaîner sur la famille, sa femme mais aussi les fillettes. L’expert psychiatre parle de personnalité «antisociale», «intolérant à la contradiction», «manipulateur». Un homme affable au premier abord et pourtant terriblement dangereux.
Une femme traumatisée
Abdel était donc poursuivi pour ces violences mais aussi pour des menaces de mort. Et alors que le tribunal faisait le récit de la terreur qu’il faisait régner dans le quartier, au point qu’un seul voisin a osé signaler ce qui se passait, son épouse entre dans la salle d’audience. Visiblement impressionnée par l’homme, elle avance doucement, une minerve autour du cou, entourée de ses enfants. Elle porte encore les traces des derniers coups reçus.
«Je ne voulais pas que mes enfants voient ce qu’il me faisait. Et le plus difficile, c’est que je n’arrivais pas à protéger mes enfants», dit-elle, bouleversée.
Elle a encore peur de son mari et elle n’est pas la seule. Elle explique que les voisins aussi craignent qu’il revienne pour se venger. «Les gens ont peur qu’il soit libéré. Il a dit qu’il tuerait ceux qui iraient voir les gendarmes».
Expulsion définitive
«Bien sûr il y a les coups mais le plus terrible, c’est la violence psychique», relève le procureur Léonardo qui demande une peine de 10 mois de prison et une interdiction du territoire français (ITF) d’au moins 5 ans.
Pas facile pour l’avocate de l’homme, Me Préaubert, de défendre le monstre que le tribunal vient de décrire. Pour elle, un impératif : des soins pour cette «personnalité inquiétante».
Le verdict ira au-delà des réquisitions du procureur : un an de prison ferme à l’issue de laquelle il sera expulsé avec une interdiction à vie de remettre les pieds sur le sol français. Les deux fillettes, âgées de 10 et 11 ans, recevront 700 euros de dommages et intérêts chacune. L’homme, incarcéré depuis dimanche est reparti solidement encadré par les gendarmes pour Majicavo.
RR
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