Ils sont rentrés ! Après 16 jours de mission dans les eaux limpides des Îles glorieuses, neuf scientifiques et leur équipage sont revenus à Mayotte ce dimanche avec une moisson d’informations et encore de nombreux mois de travail. Il va falloir dépouiller, analyser et publier les observations dans un archipel qui compte environ 1.435 espèces.
C’était la première mission scientifique multidisciplinaire menée par le Parc marin des Glorieuses, dans ce petit archipel au nord-est de Mayotte. Des biologistes, un spécialiste de la qualité de l’eau et des plongeurs professionnels, issus du Parc, des TAAF, de l’IFREMER et de Kelonia, avaient une feuille de route bien remplie. Ils devaient combler les manques de connaissances dans quatre thématiques : les tortues marines, les herbiers de phanérogames, les holothuries (concombres de mer) et la qualité de l’eau.
Première bonne surprise, les glorieuses se présentent encore comme un véritable sanctuaire, dans une région déjà bien abîmée par les hommes. «On sent que l’éloignement des activités humaines protège pas mal le milieu. Dans les Glorieuses, on peut observer de gros poissons, ce qui n’existe plus à Mayotte par exemple, c’est encore un petit Eden», explique Alexandra Gigou, du Parc naturel marin de Mayotte. D’où l’importance de la mission, chargée de dresser un état des lieux précis des richesses naturelles de l’archipel.
Des concombres essentiels
Alexandra Gigou était chargée d’étudier particulièrement les holothuries. Ces concombres de mer n’intéressent a priori par grand monde. Ils sont pourtant essentiels à la vie d’un milieu marin. «Ils filtrent les sédiments en se nourrissant de la matière organique. Sans elles, on assiste à un développement de maladies et le milieu ne peut que se dégrader», précise Alexandra Gigou. Pourtant, l’homme est capable d’en pêcher de grandes quantités, comme c’était le cas à Mayotte avant l’arrêté préfectoral de 2004 qui en interdit les prélèvements. Car certains d’entre eux sont prisés pour leur chair, en particulier à Madagascar.
Grâce à la technique du Manta Tow (tractage en PMT), 50 stations ont été étudiées ce qui représente une surface de 15 hectares. «Nous avons identifiés 225 individus des plusieurs espèces mais on voit déjà que les espèces les plus commerciales sont beaucoup moins présentes», note Alexandra Gigou. C’est probablement la preuve que les marins malgaches profitent des contrôles trop rares des autorités françaises pour venir pêcher illégalement.
Une téléréalité des tortues
L’équipe tortues, de son côté, a fait de la vidéo avec une dizaine de spécimens comme vidéastes ! Des jeunes tortues ont été équipées d’une caméra Go Pro qui filmait pendant 4 heures leurs comportements. Leur nourriture, leurs remontées à la surface, les interactions entre elles… Une véritable télé-réalité pour suivre leurs moindres faits et gestes.
Ces films vont demander un long travail de dépouillement mais ils seront précieux pour décrire leur quotidien. D’autant que ces tortues ont également été équipées de balises Argos. Les scientifiques ont ainsi déjà pu déterminer les zones qu’elles privilégient pour dormir et ils devraient encore, pendant de longues semaines, recevoir les signaux de leurs déplacements aux Glorieuses et bien au-delà dans l’Océan indien.
Concernant les herbiers, les surprises des scientifiques ont été à la hauteur de la mission. «On savait qu’il y en avait mais aucune cartographie n’avait jamais été effectuée aussi bien sur Grande Glorieuse que sur l’Île du Lys», précise Alexandra Gigou. Les chercheurs ont ainsi découvert un milieu et des espèces qui ont quasiment disparu à Mayotte, des zones tellement vastes qu’elles nécessiteront des études ultérieures.
De nombreux prélèvements concernant la qualité de l’eau (salinité, oxygène, température…) ont également été effectués comme des observations opportunistes, de baleines à bosse, de dauphins ou d’oiseaux marins.
Un trésor de 1.435 espèces
Incontestablement, ce travail inédit permet de considérer les Glorieuses comme un patrimoine naturel exceptionnel. Refuge de biodiversité relativement à l’abri de la folie des hommes, il devra encore livrer beaucoup de ses mystères. Les coraux mériteraient encore des longues études, même des missions des TAAF leur ont déjà été consacrées. Et d’autres éléments de la vie de l’archipel, comme par exemple les mollusques ou les requins sont encore très peu connus, de même que des zones entières, comme le Banc du Geyser.
Mais déjà, les scientifiques ont déjà de longs mois de travail pour dépouiller ces 2 semaines de mission. Le Parc estime que les Glorieuses abritent environ 1.435 espèces, tous groupes confondus, dont environ 11 % considérées comme étant en danger.
Créé en 2012, le Parc marin des Glorieuses associé au TAAF a encore des belles années de recherches devant lui, même si les missions de ce type, très coûteuses* et lourdes à mettre en place du point de vue logistique, resteront des événements.
RR
www.jdm2021.alter6.com
* Le volet qualité de l’eau est partiellement financé par le programme européen du Xème FED dans son volet régional / Océan Indien, en partenariat avec le Conseil départemental de Mayotte, les TAAF et l’AFD.
Comments are closed.