CARNET DE JUSTICE. Cinq jeunes qui ont préféré se faire justice plutôt que d’avoir recours à la gendarmerie, étaient à la barre du tribunal ce mercredi matin. Des escalades de violence qui avaient duré plusieurs jours en avril dernier à Tsingoni à la suite du Street dancers Show. “Elles prennent en otage toute l’île », soulignera une juge.
La fête du Hip hop en nocturne à Tsingoni en avril 2015 avec le Street Dancers show, avait été gâchée par des conflits inter villages Combani-Tsingoni. S’en était suivie une opération punitive de 9 jeunes de Combani, cherchant à se venger, jusqu’à entrer de force dans l’entreprise SEV Mayotte qui emploie un des jeunes visés. Son scooter a été dégradé. Des réparations qui se monteraient à 702 euros, à entendre l’avocat de la victime.
Porte et vitre brisée, l’entreprise et son employé déposent plainte. Surtout que, à son insu, une vidéo filme les faits et gestes de la bande, « une violence inouïe », pointera plus tard le procureur. Cinq sont reconnus, dont quatre présents à la barre, malgré leurs cagoules à poste. A la barre, ils n’ont pas franchement l’air de délinquants : deux s’affichent comme médiateurs, et les deux autres sont étudiants à l’Ecole d’Application maritime.
S’ils ont conscience d’avoir mal agi, c’est envers l’entreprise à laquelle ils présentent des excuses, tout en considèrent qu’il s’agit d’un « dommage collatéral » des conflits entre villages. « Collatéral ? », reprendra l’assesseure en s’étranglant, « mais Mayotte est prise en otage à chacun de vos différents ! Quand ce ne sont pas des dégradations, des barrages empêchent l’île de fonctionner ».
La différence entre l’homme et l’animal
« Et des excuses à la victime ? », interroge l’avocate Fatima Ousseni. Là, c’est le règlement de compte qui est invoqué, « ils étaient nombreux à Tsingoni à nous frapper à coup de pierres et de bâtons. Et s’ils n’ont pas déposé plainte, « c’est qu’à Mayotte, c’est bien connu, il n’y a pas de sécurité, on n’est obligé d’agir nous-mêmes. » Une justification de l’escalade des violences qui fait sortir de ses gonds le procureur Léonardo, surtout lorsqu’il entend le plus sage d’entre les prévenus expliquer que « la part d’animalité qui est en nous s’est exprimée, en groupe, on s’est senti tout puissant. »
Le réquisitoire le sera lui aussi, puissant : « La différence entre un animal et l’homme, c’est le cerveau que vous avez de toute évidence laissé à la maison ce jour là ! Vous parlez de dommage collatéraux comme si nous étions en guerre. Les faits ont été commis il y a 6 mois, et vous ne réalisez toujours pas ! » Il demandait une peine de 9 mois de sursis avec mise à l’épreuve, interdiction d’entrer en contact avec la victime et de porter des armes.
Un discours qui aura porté à en croire l’attitude des jeunes, qui demandait pardon à la victime, et pris conscience que « ces guerres intercommunales, c’est comme une étincelle qui allume une flamme. »
Le jugement aura entendu le parquet puisque les cinq jeunes sont condamnés à 9 mois de prison avec sursis, l’obligation d’indemniser les victimes à hauteur de 706 euros et 1.000 euros au titre des préjudices matériel et moral, pour le jeune, et 1.498 euros et 1000 euros au chef d’entreprise pour les mêmes raisons.
A.P-L.
Le Journal de Mayotte
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