Le sénateur Thani Mohamed vient de faciliter la tâche des justiciables qui vont en appel. Il n’a pu par contre casser l’interdiction de mobilité géographique pour les magistrats qui demanderaient exclusivement l’outre-mer.
Le recours à la Chambre d’appel n’était pas monnaie courante jusqu’à il y a peu à Mayotte. Lorsque nous sommes devenu département en 2011, le volume d’affaire était maigre, si bien qu’il a été décidé de créer une chambre détachée de la cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion, plutôt que de créer une cour d’appel de plein exercice.
Ce que n’a jamais accepté le sénateur et avocat Thani Mohamed Soilihi. Il a pu le rappeler lors de l’examen au Sénat du projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXIe siècle. Avec le projet de loi organique relatif à l’indépendance et l’impartialité des magistrats et à l’ouverture de la magistrature sur la société, les deux textes s’inscrivent dans le cadre de la réforme de la justice du XXIe siècle, dite « J 21 », dont l’objectif est de doter le pays d’une justice « plus proche, plus efficace et plus protectrice ».
Le sénateur a rappelé l’omission d’un greffe délocalisé à Mayotte et les difficultés que cela engendre. Il a fait adopter un amendement pour que « tout demandeur mahorais puisse se pourvoir en cassation par lettre recommandée auprès du greffier de la chambre de l’instruction de Saint-Denis ». Auparavant, les avocats mahorais devaient soit se rendre à La Réunion pour régulariser la requête, soit solliciter leurs collègues réunionnais.
Un second amendement permettra dorénavant à un magistrat nommé dans une juridiction d’outre-mer, qui souhaite effectuer son stage préalable dans l’hexagone, de prêter serment devant la cour d’appel de sa résidence et non plus devant la cour d’appel d’affectation.
Une justice cocotier en outre-mer ?
Il n’a pu par contre faire revenir les parlementaires sur la règle « Outre-mer sur outre-mer ne vaut ». Une sentence du type « blanc sur rouge rien ne bouge », qui n’est pas assez clairvoyante selon lui : « Il tendait pourtant à promouvoir la mobilité géographique des magistrats exerçant en outre-mer ». Le Conseil supérieur de la magistrature interdit en effet toute mobilité géographique dans une juridiction ultramarine, d’un magistrat déjà en poste outre-mer.
Le Conseil d’Etat incite également à toute mutation ou promotion en métropole, des magistrats en poste dans les départements et collectivités d’outre-mer « afin d’assurer le bon fonctionnement des juridictions. » Ce qui laisse le sénateur perplexe : « Cette règle signifie-t-elle que le magistrat qui poursuit une carrière outre-mer perd sa capacité à exercer son métier avec compétence et impartialité ? Considère-t-on que les magistrats exerçant outre-mer n’appliquent pas le droit avec compétence et rigueur ? Qu’ils prennent de mauvaises habitudes d’exercice professionnel, au point qu’un retour régulier en métropole soit indispensable afin de leur permettre de se corriger avant de rejoindre une nouvelle affectation ultramarine ? »
Persuadé que l’abrogation de la règle « outre-mer sur outre-mer ne vaut » aurait pour conséquence de « garantir la qualité des magistrats exerçant outre-mer ayant acquis une expérience des règles spécifiques qui y sont appliquées, de permettre la mobilité géographique des magistrats et de pourvoir les postes dans les juridictions ultramarines désertées », Thani Mohamed a donc déposé un amendement qui a été rejeté.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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