La journée fut longue pour l’ancien maire de Mtsangamouji et secrétaire fédéral du PS Issouf Madi Moula et son ancien directeur de cabinet, impliqués dans l’affaire des 84 procurations frauduleuses des dernières élections partielles de Mtsangamouji. Ils attendaient le verdict de leur demande de remise en liberté. On en sait un peu plus sur les circonstances de l’affaire.
Issouf Madi Moula a été placé en détention provisoire le 28 octobre, peu de temps après son ancien directeur de cabinet. Leurs avocats avaient fait appel en référé, sans succès, et réitéraient ce mardi, devant la Chambre de l’Instruction de Saint-Denis à La Réunion.
Une visioconférence qui avait bien démarré à 10h depuis la Chambre d’Appel à Kawéni… mais sans les prévenus. Des couacs à répétition les ont baladés de la maison d’arrêt de Majicavo au tribunal correctionnel à Kawéni, pour un début de jugement à 13h30.
S’ils sont tous les deux en détention, c’est pour éviter les confrontations frauduleuses entre eux, et disparitions possibles de preuves, et des pressions sur les familles.
Une ambiance très lourde lors de l’arrivée des prévenus. Les familles refusant la présence des journalistes, certains médias étant accusés de politiser cette actualité. Mais l’audience demeure publique. Et ce sont des proches en larmes qui ont accueilli le premier secrétaire fédéral du PS, menotté.
Toulouse et Lyon en tête des procurations
Par visioconférence, le juge revenait sur les faits : à la suite des annulations en mars 2014 des dernières élections municipales, la Délégation spéciale en charge du suivi du nouveau scrutin note l’arrivée d’une première vague de 42 procurations, « toutes en provenance de Lyon et Toulouse, envoyées les 10 et 11 septembre, et comportant des contrefaçons de cachets de validation, des armoiries non conformes, et l’absence de Marianne ».
Un autre lot arrive peu après, portant à 84 le nombre de procurations douteuses. L’ex-chef de cabinet montre un empressement particulier lors de leur arrivée. « Or, il s’avère qu’il s’était rendu le 6 septembre à Lyon et Toulouse, en réglant son billet en espèce à Corsair, et avec un téléphone portable désactivé ». Après une perquisition à son domicile, il est placé en garde à vue, et reconnaît les faits.
Une confrontation déterminante
Oui, il est l’auteur de ces procurations, émises depuis les bureaux de son parti Alliance, « et il l’affirme, sur prescription des dirigeants de son parti, Moula Issouf Madi, qu’il accuse d’être à l’origine du projet de fraude ». Le téléphone de ce dernier fait apparaître 143 appels entre eux, et 146 vers un autre prévenus, membre de sa liste, entre le 4 et le 20 septembre, « plusieurs appels ont été effacés », note le juge.
Lors de l’Interrogatoire de Première Comparution (IPC) qui s’est tenu ce mardi avant l’audience de la chambre de l’instruction, Issouf Madi Moula aurait reconnu les communications, mais son avocat reste flou devant le juge, ne souhaitant pas évoquer le fond.
C’est pourtant un élément essentiel. Car les déclarations contradictoires entre les deux hommes sont une des raisons de leur maintien en détention : « Il y a trop de risques de concertations entre les auteurs, certains reconnaissent, d’autres non », appuie l’avocat général. Il évoque la confrontation à venir comme un événement déterminant sur la décision de remise en liberté.
Nourri, presque « blanchi », et logé gratuitement
Les deux hommes prennent la parole pour évoquer le sort de leur familles « qui subissent aussi cette sanction », quatre fille et un bébé de deux mois pour Issouf Madi Moula, qui indique se mettre à la disposition de la justice, souligne qu’il doit travailler pour payer son avocat, et déplore en détention, « être à la charge du contribuable, nourri, soigné, logé gratuitement. »
Les avocats des deux hommes attaquent fermement. Ils dénoncent un premier jugement de refus de mise en liberté « non motivé ». Pour eux, les conditions légales d’un placement en détention ne sont donc pas remplies : « il n’est noté nulle part une insuffisance en cas de liberté sous contrôle judiciaire ou une impossibilité de mise en place d’un contrôle électronique.
Me Radjabaly, l’avocat d’Issouf Madi Moula, indique que 11 jours se sont écoulés depuis le début de l’instruction, « avec toute les protection de preuves que cela suppose », et que le risque de non présentation à la justice est limité pour un père de famille nombreuse.
Des arguments que n’auront pas entendu les trois magistrats puisqu’ils indiquent que la décision sera rendue le 12 novembre. C’est l’écroulement chez les familles.
Les deux hommes sont repartis menottés encadrés par les gendarmes, vers le TGI. La confrontation n’était bien entendu pas publique, mais à l’issue les avocats se sont exprimés : « la juge rendra elle aussi sa décision jeudi », indique Me Radjabaly. Le déroulé des faits paraît quelque peu modifié à l’issue de cette audition, avec une atténuation possible des charges contre Issouf Madi Moula, « ce qui permet d’espérer jeudi une décision de mise en liberté sous contrôle judiciaire. »
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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