A côté de Mayotte 2025, voici d’autres pistes de développement pour Mayotte. Elles ne ciblent pas un rattrapage chiffré, mais la réponse à une question : comment préparer Mayotte à se développer ? Des réponses qui correspondent à un territoire en voie de développement qui n’a pas encore pris son essor. Et bonne nouvelle : Hercule, c’est nous tous !
On invoque souvent les spécificités de l’île comme excuses ou paravents sans se demander si elles peuvent être un atout. C’est le « brainstorming » qu’avait provoqué le Centre des Jeunes dirigeants (CJD) le mardi 17 novembre dernier. Le CJD qui pourrait s’avérer être un puits d’intelligence collective ayant un rôle à jouer dans le développement de Mayotte, si il continue sur ce registre.
Chacun ayant donné son point de vue, Bernard Alvin, Consultant en stratégie Ressources Humaines, en a fait une synthèse en 27 points, qu’il nomme “Les 27 travaux d’Hercule”. Car comme pour le demi-dieu grec, la tâche est immense. Essentiellement, parce que l’île démarre quasiment de zéro.
Territoire sous perfusion comme les autres Dom, elle n’a, contrairement à eux, pas bénéficié de dotation initiale qui aurait pu booster son développement économique. Nous sommes donc dans un espèce d’entre-deux, avec un secteur administratif surdéveloppé.
« Le progrès d’une communauté motive l’autre à Maurice »
Nous avons un modèle économique à inventer. Pour Bernard Alvin, et comme l’avait soufflé Thani Mohamed Soilihi, l’Economie sociale et solidaire ne serait pas forcément une fin en soi, mais une solution transitoire pour évoluer « d’un secteur public très dominant vers un vrai secteur privé ». Il rappelle que le concept d’économie sociale et solidaire (ESS) désigne un ensemble d’entreprises organisées sous forme de coopératives, mutuelles, associations, ou fondations qui encadrent strictement l’utilisation des bénéfices qu’elles réalisent : le profit individuel est proscrit et les résultats sont réinvestis.
En regardant autour de nous, Maurice peut être une source d’inspiration, pour le consultant : « sa diversité de peuplement a été un atout du développement économique, chaque communauté ayant cherché à se développer un peu comme si le progrès d’une communauté entrainait ou motivait la communauté voisine. »
Un extrait de l’hebdomadaire Jeune Afrique évoque cette île initialement peuplée de colons français puis britanniques, qui ont fait venir des esclaves africains, et des collies indiens. L’Etat « providence » offre une santé gratuite, même pour les sans-papiers, comme les transports et écoles, etc. Un groupe de réflexion pourrait se monter sur ce que pourrait être également le miracle mahorais.
Multilinguisme, multiculturel débouchant sur de l’interreligieux : un état des lieux est à dresser sur les proximités avec les pays voisins, du Moyen Orient, de l’Afrique de l’est, dont on sait que le SADC est en plein développement, mais aussi de France et d’Europe, « et en réunir les acteurs les plus dynamiques ». Et appliquer le même procédé aux Comores et à Madagascar, où sévit déjà le Carrefour des Entrepreneurs.
Pas de misérabilisme donc, et presqu’un coup de pied au derrière : « la France et l’Europe pourraient beaucoup appuyer Mayotte si elles constataient que les mahorais ont développé un courant économique avec des zones géographiques en plein développement. »
Tout territoire dépend pour son développement des voies de communication. La déficience des liaisons aériennes toujours chères et les barges et le réseau routier sont un fort handicap. Un des travaux herculéens sera d’imaginer un plan de développement de ces voies de communication, et attention aux tueurs de créativité : « quand l’un avance une idée de téléphérique ou de métro, les idées sont rejetées sous prétexte que le prix est trop élevé. (…) La nouvelle route du littoral à La Réunion va pourtant couter plusieurs milliards d’euros. »
Le conseil départemental doit se projeter
Bernard Alvin appelle à lancer un groupe de créativité qui recueillerait toutes les idées, même celles qui peuvent sembler absurdes : « il manque singulièrement de projets entrepreneuriaux à Mayotte. »
L’idée directrice est de se mettre dans la tête qu’ »on peut le faire », et s’il appelle à l’accompagnement des candidats entrepreneurs, il souligne qu’existent des structures comme la BGE ou la couveuse d’entreprises qui ne sont pas forcément assez connues.
Avant même la formation, dont « l’offre ne correspond pas aux besoins » sur l’île, c’est sur l’orientation des jeunes qu’il faut travailler, en réservant quelques heures au projet professionnel. Ce qui permettrait aux jeunes d’aller vers l’agriculture non par dépit, mais par choix.
Et de créer son entreprise à partir de son rêve, « nous avons tous besoin d’exemples pour s’autoriser à aller de l’avant. » Il appelait un journal pour reprendre quelques « succes stories » mahoraises, un peu comme les portraits du JDM ?!!…
Une projection difficile, liée à une stratégie de décision quasiment absente : « Mayotte 2025 est un plan de l’Etat alors qu’il appartient au conseil départemental. » Si des actions sont réalisées ça et là par l’exécutif actuel, il n’y a en effet pas encore eu de discours fort avec un cap à suivre. S’il appelle à ce que « les élus s’associent pour construire des projets en commun », il ne va pas jusqu’à préconiser l’évolution vers un scrutin de liste avec un programme défini, qui pourrait en être l’outil.
Produire des idées, créer et se projeter, pourraient être les clefs du développement de l’île, mais en reproduisant les débats « made by » le CJD ailleurs, notamment au sein du Conseil départemental, comme l’a d’ailleurs proposé la conseillère Mariame Salimé. « Car la communication produit de l’intelligence collective, prélude à tout développement de richesses », conclut Bernard Alvin.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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