Le sénateur Thani Mohamed Soilihi a interpellé le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve, en marge du budget Sécurités, ainsi que les musulmans de France, sur les décisions prises lors de la réunion plénière de la nouvelle Instance de dialogue avec le culte musulman le 15 juin 2015.
Le corps de l’intervention du sénateur mahorais portait sur les crédits de la mission « Sécurités » du budget pour l’année 2016. Thani Mohamed Soilihi a mis en parallèle ce que le chef de l’Etat avait évoqué lors de son discours devant le Parlement réuni en congrès à Versailles sur la priorité sécuritaire contre la menace terroriste : « 405 policiers et gendarmes supplémentaires ont été recrutés en 2015 comme en 2014 (…) avec un budget « Sécurités » en hausse de 0,5% en moyenne », en rappelant que ce sont plus de 13.000 policiers et gendarmes qui ont été supprimés par le gouvernement précédent dans le cadre de la révision générale des politiques publiques.
Il rapporte que « ce sont 5.000 postes de policiers et gendarmes supplémentaires qui seront créés et 9.200 gels de suppressions de postes de militaires prévues entre 2017 et 2019. »
Un budget qui empêche naturellement la France de tenir ses engagements de déficit public, « le pacte de sécurité l’emporte sur le pacte de stabilité » budgétaire, le sénateur ne nous a pas habitué à citer autant François Hollande.
Amalgames et actes islamophobes
Deux éléments sont à extraire de son discours. Il souligne tout d’abord que la dépense supplémentaire de 600 millions d’euros en 2016 engendrées par la mobilisation de nouveaux moyens, a été adoptée sans attendre que l’amendement du gouvernement soit formellement déposé. Ça peut être utile.
Mais il s’interroge surtout sur les leçons tirées des attentats de janvier. Sans décisions rapides à la fois des musulmans de France qu’il invite « à revoir en profondeur et sans tarder leur organisation », et de l’Etat autour d’un « plan d’actions articulé autour du dialogue avec la communauté musulmane, la sécurité des lieux de culte et la formation des imams », les choses ne peuvent que s’aggraver : « les amalgames, la stigmatisation et les actes islamophobes » vont se multiplier, d’ailleurs « des lieux de culte, des commerces ont déjà été vandalisés, et des personnes agressées verbalement et physiquement. »
Thani Mohamed Soilihi est issu comme il le rappelle d’un département, où plus de 90% de la population est musulmane, et « a une lecture modérée du Coran, en accord avec les lois de la République ». Mais une île qui « n’est pas à l’abri d’une radicalisation de ses jeunes. La jeunesse de la population, vulnérabilisée par le chômage et la précarité, constitue un terreau réceptif aux dérives fondamentalistes véhiculées par les nouveaux moyens technologiques. »
Il appelle donc à tirer les conclusions de la réunion plénière de la nouvelle Instance de dialogue avec le culte musulman s’est tenue le 15 juin 2015. Il interpelle un ministre de l’Intérieur qui avait évoqué un plan d’action tout en s’interdisant de se prononcer sur l’organisation intérieur des cultes en République laïque : « Pourriez-vous nous préciser ce qu’il est ressorti de ses travaux ? » Il fait notamment référence à la mise en place d’une « habilitation » des imams pour promouvoir « un islam tolérant et ouvert en France. » Car si on a proposé aux cadis une formation de DU « Valeurs de la République et islam » à Mayotte, il y a peu d’équivalent en France. Surtout, ce sont ceux qui prêchent qui doivent être touchés : les fundis et les imams, qui ne sont pas constitués en clergé, et n’ont donc pas de « formation garantie ».
C’est dans ce domaine qu’il faut agir si l’on veut prévenir des risques d’embrigadement.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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