Les 3 états membres de l’Union européenne qui comptent des Régions européennes ultrapériphériques pourront y faire adopter des lois plus facilement, en s’affranchissant des eurodéputés.Une simple consultation suffira, c’est du moins l’avis que vient de donner la Cour européenne.
C’est un combat pas facile à mener : demander à une Union européenne, par essence communautaire, de reconnaître les spécificités de certains de ses membres, sans porter préjudice à d’autres. C’est malgré tout le cas pour les Régions ultrapériphériques européennes (RUP)*.
Ces régions sont soumises à la législation communautaire ainsi qu’à tous les droits et obligations attachés à l’adhésion à l’UE, sauf dans les cas où des mesures spécifiques ou dérogatoires sont prévues. Ces mesures spécifiques ont été mises en place pour pallier les contraintes auxquelles doivent faire face ces régions, comme l’éloignement, l’insularité, une faible superficie, des conditions topographiques et climatiques difficiles et une dépendance économique vis-à-vis d’un petit nombre de produits. Ce fut le cas pour Mayotte quand le calendrier sur la mise aux normes de l’assainissement a été proposé.
Beaucoup de textes dérogatoires pour Mayotte
Cette reconnaissance des spécificités s’est concrétisée par l’article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) pour tous les RUP, permettant d’alléger le vote des textes: en temps normal, la Commission propose un projet de loi et le Parlement et le Conseil se prononcent en codécision. Or, pour les RUP, l’article 349 agit comme un passe droit: “Il permet d’éviter la codécision, en ne faisant que consulter le Parlement. C’est plus rapide”, nous explique Jeanne Duhem, Euro’s Agency, qui a suivi les débats.
S’il permet de gagner du temps, il ne peut s’affranchir aussi facilement du Parlement, “il faut prouver la spécificité qui pousse à l’utiliser”. Les eurodéputés du Parlement, avec la Commission, ont justement protesté sur une adoption un peu trop rapide de textes qui ne nécessitaient pas des exceptions. La contestation s’est portée sur Mayotte, parce que la plupart des textes dérogatoires nous concernaient, mais c’est la base juridique qui était attaquée. N’importe quel RUP aurait eu à se défendre, c’est d’ailleurs ce qui s’est passé la semaine dernière avec les avocats des trois pays concernés, la France, l’Espagne et le Portugal.
Ce n’est pas une révolution selon cette spécialise du droit européen, “les députés auraient très certainement adoptés les dérogations pour Mayotte”, mais cela permet de gagner du temps. De plus, le Sénat avait dénoncé l’absence de prise en compte de l’article 349, notamment en matière de réalités de la pêche ultramarine.
En conclusion, et avec cette victoire de la Cour Européenne qui a tranché dans ce conflit entre institutions européennes, les Etats membres pourront prendre des décisions plus facilement pour leur RUP.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
*L’UE compte neuf régions ultrapériphériques, géographiquement très éloignées du continent européen:
- Guadeloupe, Guyane française, Martinique, La Réunion, Mayotte (5 départements français d’outre-mer)
- Saint-Martin (1 collectivité française d’outre-mer)
- Madère et les Açores (2 régions autonomes portugaises)
- îles Canaries (1 communauté autonome espagnole)
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