(Re)dorer l’image de l’entreprise sur un territoire où le taux de chômage des jeunes est de 41%, et où la fonction publique reste un rêve empoisonné, c’est l’objectif de la Charte Jeunesse et entreprises.
Trouver un ingénieur sur le marché du travail mahorais, pas facile pour un chef d’entreprise. Pour élever le niveau local de compétence, quatorze* d’entre eux ont décidé de répondre à l’invitation de la préfecture de signer une Charte Jeunesse et entreprises. « Nous l’avions initiée en Essonne, pour la voir ensuite se décliner un peu partout en France », explique le préfet Seymour Morsy.
Il s’agit de changer le regard que le jeune et l’entreprise portent mutuellement l’un sur l’autre. Les nombreux jeunes (60% des mahorais ont moins de 20 ans) peuvent être les futurs entrepreneurs qui porteront le développement de l’île. Mais cela reste au niveau du défi. Pour le concrétiser, il faut avant tout les informer et les accompagner, sans qu’ils revêtent absolument l’habit du fonctionnaire, sans perspective particulière, guidés par les seuls avantages que procure le poste.
Donner des idées
Méconnues des jeunes, les entreprises ont décidé d’agir. Et le b-a ba, c’est de commencer par l’école. Ce sera le premier axe de la Charte. Pour renforcer le lien école-entreprise, ces dernières s’engagent à inviter les classes de collège et de lycée à visiter leurs locaux, à accueillir des professeurs pour leur présenter le monde des entreprises, et même accueillir des enseignants en stages courts. Des actions que certaines comme Electricité de Mayotte, mènent déjà : « Outre l’accueil des stagiaires, nous travaillons avec le vice-rectorat sur un réseau école et l’ouverture de nos installations aux scolaires », explique Yacine Chouabia. De son côté, le vice-rectorat s’engage à encourager cette démarche
Toihibou, le jeune directeur d’exploitation d’Enzo recyclage, explique les difficultés rencontrées par les jeunes : « J’ai fait toute ma scolarité à Mayotte, mes études en métropole, mais je visualisais mal les opportunités d’emploi. » Il est la preuve que les opportunités existent, et valide là le deuxième axe de la Charte qui doit inciter à l’information des jeunes pour faciliter leur insertion.
« Est-ce que ça va rapporter ? »
Sur un territoire où n’existent pas de véritable Forums des métiers, les entreprises s’engagent alors à intervenir dans les classes de terminales pour aider les choix d’orientation des élèves, à accroitre le recours aux emplois d’avenir et aux formations en alternance, à favoriser la mobilité des jeunes vers d’autres territoire au sein de leurs entreprises, et à organiser des sessions de « speed-dating ».
Les Chambres consulaires que sont la CCI et la CMA doivent organiser une plateforme de recherche de stages, et d’accueil. L’Université aussi est partie prenante en s’engageant à proposer une offre de formation alignée sur les besoins du territoire.
Le troisième et dernier volet encourage la culture de l’entreprenariat. Avec Startupper, l’entreprise Total a une déjà une expertise à l’international dans le domaine, comme l’explique Nicolas Favre : « Nous identifions les projets de création d’entreprise et les accompagnons vers leur lancement. »
Le pétrolier transformé en couveuse, en quelque sorte, et pour les besoins de la cause : « A Mayotte, nous sommes tous dans le même bateau. La formation des uns accroit forcément la compétitivité, et nous évitera dans l’avenir de faire appel aux compétences extérieures. » Puisque comme le rappelle le jeune dirigeant, « nous sommes tous engagés dans une logique de développement basé sur une question ‘est-ce que ça va rapporter ?’ »…
Des « mini » entreprises créées dans les lycées
De manière concrète, le vice-rectorat s’est engagé à étendre aux lycées mahorais le concours national de la création d’entreprise, à inciter les lycées à créer des « mini » entreprises et, sur le mode Meccano, à mettre à disposition des élèves des kits d’aide à la création d’entreprise. Les autres acteurs, chambres consulaires, entreprise ou Préfecture, s’engagent à accompagner ces jeunes et à développer des actions de tutorat.
Un comité de suivi se réunira une fois par an, mais comme le souligne le préfet Seymour Morsy, il ne doit être qu’accessoire, « rien de lourd, puisque c’est une démarche spontanée des entreprises. » Par contre, toutes celles qui veulent rejoindre la Charte sont les bienvenues : « Il faut rayonner, pour multiplier les possibilités et les métiers », invitait-il.
L’étape suivante pour Yacine Chouabia, c’est la recherche d’un partenariat avec une école d’ingénieur en métropole : « Beaucoup de candidats à Mayotte correspondent au profil d’ingénieur que je recherche, mais les rythmes d’alternance proposées par les écoles sont trop court. Nous travaillons avec le vice-rectorat à la recherche de rythmes proches de deux mois-deux mois. »
Le préfet, les représentants du vice-rectorat et du CUFR, le Medef, la CGPME, la CCI et la Chambre des Métiers, ont donc signé la Charte avec les 14* entreprises participantes. Et toute nouvelle prétendante sera la bienvenue.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
* Cabinet 3A, Groupe Issoufali, Ballou, BFCOI, Colas, EDM, Luvi Ogilvy, SOLAF_SOFAM, PANIMA, SIM, TOTAL, ENZO Technic Recyclage, Imprimah et Corex-Solar
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