« Pourquoi êtes-vous là, monsieur N. ? », interroge le président Sabatier. C’est que c’est un membre d’une famille réputée de Mayotte qui se retrouve au banc des accusés en audience correctionnelle ce mercredi. Quelqu’un qui fut directeur de la Direction de la Jeunesse, des Sports et de la Cohésion sociale, qui avait créé sa société et qui est un chroniqueur télé de la chaîne publique locale.
« J’ai pris de l’argent qui ne m’appartient pas et j’ai signé à la place de quelqu’un », convient-il en regardant le président. Car J-C. N. a aussi falsifié un procès verbal de mesure de composition pénale.
La composition pénale est une procédure alternative aux poursuites, pouvant être mise en œuvre par le Procureur de la République contre les auteurs de certaines infractions. Son versement s’effectue soit par timbre fiscal, soit en espèce ou par chèque certifié. Sur 305 dossiers traités par celui qui avait été désigné pour sa probité, délégué du procureur, seuls 8 ont fait l’objet de détournement, « parce que seuls 8 accusés avaient proposé un versement en liquide ? », interrogeait le président Sabatier.
Sur une période allant de janvier 2010 à mars 2012, il récupérait ainsi des sommes allant de 100 à 1.500 euros, « c’était pour aller acheter en une seule fois les timbres fiscaux et éviter aux gens d’aller faire la queue au Trésor public », se défend-il. Il sait d’ailleurs que ses clients ont 60 jours pour payer, « j’allais donc de toute manière les acheter. Je n’ai jamais laissé échoir les 60 jours. »
Mais les affaires se gâtent lorsqu’un prévenu doit comparaître pour n’avoir pas payé la somme due. Il contacte alors J-C. N., « vous lui avez alors demandé de se taire, et que vous alliez régulariser la situation », rapporte la procureur, qui représente un parquet « dont l’image a été terni ». J-C. N. dément toute intervention auprès de l’accusé, et à la question de l’utilisation de ces sommes, répond évasivement, « je n’ai pas acheté de montre, ni fait la fête avec. »
Une peine encourue de 10 ans d’emprisonnement
C’est lors de cette comparution que d’autres accusés, bénéficiant de composition pénale, parlent et indiquent avoir versé des sommes en liquide au même délégué du procureur. Il démissionne alors.
Cette confiance placée dans un représentant du monde judiciaire, ce sera l’angle d’attaque de la procureur, « vous êtes dépositaire de l’autorité publique, et donc investi d’un pouvoir de délégation de confiance donné par le procureur. Vous aviez d’ailleurs prêté serment. Quelle image donnez-vous de la justice ?! » Il risque 10 ans d’emprisonnement assortis de peines d’amende, elle demandera 2 ans d’emprisonnement avec sursis, au regard de son casier judiciaire vierge, et l’interdiction définitive d’exercer toute fonction publique ainsi que 15.000 euros d’amende.
Pour l’avocat du prévenu, l’argument de l’image d’une justice écornée ne tient pas, « elle l’est depuis bien longtemps, regardez ce qui se passe à Paris, et les magouilles de plus grandes importances ! » Il souligne d’autre part que 6 des 8 personnes ont été remboursées, les autres n’ont pas été retrouvées. » Etant donné que son client est déjà placé sous contrôle judiciaire moyennant une garantie financière de 7.000 euros, il demande une dispense de peine, « il n’avait jamais fauté, c’est un accident de parcours, il a chuté. »
Le délibéré sera rendu le 20 avril 2016.
A.P-L
Le Journal de Mayotte
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