Que les habitants de Chirongui prêtent à l’eau de leur rivière des vertus spéciales, n’a rien d’étonnant : il existe une force, plus particulièrement chez les femmes de ce village, qui emporte tout sur son passage.
C’est du moins ce que l’on souhaite en premier lieu à la maire du village qui inaugurait son lycée professionnel. On ne présente plus Roukia Lahadji, également appelée Hanima Ibrahima (ses parents n’ayant pas tranché), qui avait tenu un langage de fermeté à un Manuel Valls amusé, en visite sur sa commune.
Il s’agissait ce samedi matin de poursuivre le baptême des établissements scolaires que l’on n’appelait à Mayotte que du nom de leur village. Le nom proposé par l’association des parents d’élèves n’est pas celui d’une personnalité, mais celui d’un terroir.
Dégradation et drogue
Le lycée Tani Malandi tire son nom de cette pierre blanche que l’ont vient chercher des quatre coins de Mayotte, à une colline de l’établissement : « C’est elle que l’on utilise pour notre maquillage », explique Fatima Ibrahim, la dynamique présidente de l’association Tani Malandi, « mais également lorsque nous sommes malade ou enceinte, pour convoquer les esprits, ou pour tracer les lignes des terrains de sport. » Il est donc au cœur de la vie, « Cela marque un ancrage sur le territoire et va donner un repère aux jeunes », précise la vice-recteur Nathalie Costantini.
Pas possible à Mayotte d’organiser une cérémonie officielle dans un établissement scolaire en parlant de généralités.
C’est encore moins le cas à Chirongui où Maanrifa Echati, la présidente de l’association de parents d’élèves, qui maitrise la communication pour la diriger au conseil départemental, exposait les problèmes : « Nous avons besoin d’un nouvel établissement », annonçait-elle sans détour, « il y a des trous dans le sol, qui sont comblés au fur et à mesure, mais les infiltrations de ce qui fut au départ un préfabriqué momentané, s’aggravent à chaque saison des pluies. » Quant aux abords de l’établissement, il faut en accroitre la surveillance, « de la drogue circule, « un jeune sous emprise a été interné au CHM. »
« Vous êtes les futurs maire et préfet de Mayotte »
L’insécurité, ce sera l’axe du discours de la maire, mais adressé aux élèves et aux parents : « Dans vos sacs, les barres de fer et coupe-coupe n’ont rien à faire, je ne veux plus voir que des cahiers. Vous êtes les futurs maire, préfet ou vice-recteur de demain ! Les gendarmes ont autre chose à faire que de vérifier vos sacs le matin, chacun doit être responsable. » Roukia Lahadji rappelait que ce lycée était un établissement de seconde chance avant, « et maintenant vous êtes deuxième dans le classement des établissements de l’île. »
Sur le même sujet sécuritaire, la vice-recteur Nathalie Costantini faisait remarquer que l’on était sur du fluctuant, « elle est parfois assurée, parfois mise à mal. »
Le préfet était présent. Première prise de contact officielle avec la maire de Chirongui qui avait lu la motion d’après clash, demandant notamment des relations respectueuses.
Le représentant de l’Etat ne pouvait pas ignorer l’incident, il l’évoqua donc : « Ce qui vient d’être dit sur la sécurité et la mobilisation des gendarmes à des tâches annexes à leurs actions quotidiennes, c’est ce que je voulais dire il y a quelques jours ! », provoquant l’hilarité de la maire. Plus sérieusement, il déplorait qu’elle doive gérer les déchets quand un syndicat y était dévolu, « et alors que des actions nécessitent votre engagements comme la jeunesse, la parentalité, l’éducation et la sollicitation des cadis. Et l’éducation, c’est la reconnaissance de soi-même et de ses propres parents. »
Nouveau logo
Le préfet revenait aussi sur le rassemblement de mardi dernier : « Une indignation collective que je traduis par ‘serrons-nous les coudes’ ».
Avant de dévoiler le nouveau logo du lycée, la présidente de Tani Malandi prenait la parole, joliment maquillée de terre blanche : « Je rappelle que nous proposons un soutien scolaire aux élèves tous les samedis et dimanches, et que nous avons besoin de toutes les bonnes volontés pour encadrer cette jeunesse qui est notre force. Ayez de la volonté, persévérez et soyez les meilleurs ! »
Le logo, c’est un élève de terminale, Ouirdane Nasserdine, le meilleur de sa classe, qui l’a dessiné. On y voit un élève qui parcourt la planète sous les bons augures du Mont Choungui. Puissent-ils porter l’établissement de Chirongui vers ce que lui souhaitait le préfet, « quand vous direz j’ai eu mon Bac à Tani Malangui, que ce soit une référence ! »
Le plateau sportif, interne à l’établissement, était inauguré à l’issue, « prenez-en soin ainsi que du lycée », intimait la maire.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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