Pendant deux jours, les habitants, les politiques, les voisins et les proches se sont succédé dans sa maison de Kangani. Natif de Mayotte, Frédéric d’Achery y a mené une carrière professionnelle et politique bien remplie, comme l’a longuement rappelé Gilles Martin à la fin de la messe. Né le 11 mai 1933 sur cette terre où ses aïeux sont arrivés au 19ème siècle, il a commencé par reprendre l’exploitation agricole de ses parents.
Spécialisé dans la fabrication d’huile essentielles d’ylang-ylang, de copra ou de citronnelle, « la fin du métayage provoque le déclin de son exploitation dans les années 70 », relate le politique et ami de Frédéric d’Achery. Il met en place la Fédération des exploitants agricoles à la tête de laquelle il sera élu pendant 20 ans.
Maire de Koungou en 1983, puis réélu jusqu’en 1995, il se présente aux cantonales et deviendra conseiller général de ce canton de 1997 à 2003. Militant à l’UDIM, l’Union pour la défense des intérêts de Mayotte créé par Georges Nahouda, il évolue vers le Mouvement Populaire Mahorais (MPM) en faveur de la départementalisation aux côtés de Younoussa Bamana et Zéna M’déré.
« Qu’est-il arrivé à notre frère ? »
Ce qui lui vaudra d’échapper à trois complots menés par des groupes indépendantistes, relate toujours Gilles Martin. Une évocation qui rappelle les conditions du décès de Frédéric d’Achery, un infarctus à la suite des coups de marteau porté par son agresseur il y a quelques jours.
C’est sa proche cousine, Anne-Marie Fevez, qui évoquera avec beaucoup d’émotion, ses derniers jours : « Ne t’inquiète pas, ça va mieux, j’ai juste mal à la nuque et au dos », lui avait-il au téléphone quelques heures avant son décès. « N’y avait-il plus de place à l’hôpital ou les médecins étaient-ils débordés ? », s’interroge-t-elle, avant d’élargir le champ au contexte mahorais, « amis mahorais, créoles ou métropolitains qui êtes là, qu’est-il arrivé à notre frère ? Oui, nous avons la haine, comment ne pas l’avoir ? C’est inadmissible pour quelqu’un qui a servi la France ! »
Frédéric d’Achery avait le grade de chevalier de quatre distinctions, Légion d’honneur, Ordre national du mérite, Mérite agricole, Ordre royal de Grande Comore. Et Grand chancelier de la Légion d’Honneur en juin 2004. L’Etat qui a donc su largement honorer l’homme, était représenté par la directrice de cabinet Florence Guilbert-Bézart, et le conseil départemental par le 4ème vice-président Issa Issa Abdou.
Poursuivre son œuvre
Place était faite aux valeurs moins matérielles avec les lectures, notamment celle de l’Evangile selon Saint Jean, qui amenait le père Bienvenu à parler de résurrection, « comme le bébé qui ne veut pas quitter le ventre de sa mère, nous sommes à l’agonie avant de mourir pour ne pas laisser notre vie. Alors qu’il y a une autre grande Vie. »
Encourageant la famille à trouver la paix, le curé de la paroisse de Mamoudzou utilisait une anecdote, qu’il a sans doute voulue adaptée à son public essentiellement musulman : « Un homme aurait aimé que ses quatre femmes ne lui survivent pas et soit enterrées avec lui. Les trois dernières pour diverses raisons, préférant se remarier, aller voir ailleurs ou se concentrer sur l’organisation des funérailles, déclinent, seule la première bien que malade accepte. Ces trois là représentent l’une, le corps en décomposition à la mort, l’autre la richesse, les décorations, la troisième, la famille qui vient pleurer le mort. Seule la première est l’âme, malade, négligée, mais qui part avec lui. »
Le père Bienvenu appelait donc à « se souvenir de ‘ce monument’ en poursuivant ce que Frédéric à construit, dans un esprit de paix et de tolérance, c’est un défi pour nous. »
Aux chants musulmans chez lui par les femmes ont donc succédé les prières catholiques dans l’église, avec un Notre Père main dans la main. Un rassemblement intercommunautaire dans la discrétion qui fut le reflet ce mercredi de la vie de Frédéric d’Achery.
A.P-L.
Le Journal de Mayotte
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