«Nouvelles tensions après l’expulsion sauvage de plus de 500 ‘étrangers’». Le titre du Parisien est à l’unisson de la presse métropolitaine de ce mercredi. Les opérations de «décasages» et le nombre des personnes concernées suscitent la stupéfaction.
«La plupart de ces familles sont d’origine comorienne en situation régulière sur le territoire», explique le Parisien et sont contraintes de dormir sur la place de la République de Mamoudzou, aidées par des associations et des habitants.
Ces «Comoriens en situation régulière ou non, ont été expulsés depuis janvier de leur domicile par des collectifs d’habitants de diverses communes de Mayotte, qui les accusent de ‘vols, agressions et meurtres’», précise l’Express. L’hebdomadaire, citant les associations comme la Cimade, parle de plus de 1.000 personnes concernées depuis le début de l’année.
«Mounira, Comorienne en situation régulière habitant Bouéni (sud de l’île) depuis 2002, raconte ainsi à l’AFP avoir été chassée de chez elle dimanche. Des individus ont détruit la porte de sa maison au pied de biche et lancé des cailloux sur son habitation, tout en criant “Qu’ils partent!” en shimaoré, la langue locale.
‘J’ai un titre de séjour pour 10 ans, je travaille en CDI, mon bail est en règle, je ne comprends pas’, explique, encore sous le choc, Mounira, qui s’est réfugiée avec ses trois filles et son mari chez son ancien employeur».
Gérer le flux migratoire
«Un fort vent de xénophobie souffle-t-il sur l’île française de l’archipel des Comores?» se demande Jeune Afrique.
Rappelant la situation mais aussi le courrier des associations et d’un syndicat au préfet, et le rappel de la préfecture quant aux «obligations» des maires, Jeune Afrique parle d’un «climat délétère» dans notre département.
Pour le journal, «l’État français peine à gérer, économiquement et humainement, l’important flux migratoire de l’île, qui compte 40% d’étrangers pour 230.000 habitants. Les «Comoriens» tentent le passage dans l’espoir d’améliorer leurs conditions économiques de vie, mais aussi pour avoir accès à des soins de qualité. Pour l’année 2015, la préfecture de l’île de l’Océan indien affichait un triste record: près de 20.000 reconduites à la frontière, soit plus que toute la métropole».
Média et perte de repères
Pour Jeune Afrique, «la presse locale est notamment accusée d’entretenir (ce climat) en jouant sur les peurs. Comme le site de la chaîne (tv et radio) indépendante Kwezi qui relayait depuis le 28 avril, sans commentaire, le tract de l’action de délogement de dimanche.» Contacté par le journal, Patrick Millan, s’explique: ‘Relayer une info est le propre d’un média d’information surtout si elle doit avoir des conséquences sur la sécurité des citoyens (…) Ici ce n’est pas l’Afrique. C’est la France, mais nombreux sont ceux qui se posent la question ‘Mais où est la France? Où sont ses missions?’ Et s’il se passe quelque chose de grave à Mayotte, on connaît déjà la réponse des autorités: ‘C’est la faute des médias!’».
Un métropolitain «installé sur l’île depuis quelques années», analyse la situation comme «‘le désencrage d’une île de son archipel, de Madagascar à laquelle elle est intimement liée, et plus généralement de son continent, l’Afrique (…) Donc, oui, le problème de Mayotte c’est qu’elle a perdu son Afrique, sa boussole, et qu’elle ne cesse de retarder…’ Une situation schizophrénique, dans laquelle les «Mahorais» dénoncent l’État colonial qu’ils ne cessent dans le même temps de réclamer», affirme jeune Afrique.
Réalité sociale complexe
Le journal donne également la parole à une «enseignante mahoraise», qui invite à la prudence avant de parler de xénophobie, «car la réalité sociale de l’île est plus complexe qu’on peut le croire vu de l’extérieur». Selon elle, «la population étrangère est majoritaire à Mayotte. Depuis 20 ans, les Mahorais absorbent chez eux l’afflux massif et incessant des étrangers. (…) Dans toutes nos familles sans exception, je dis bien sans exception, les couples se forment majoritairement avec des étrangers en situation irrégulière», affirme-t-elle.
Et cette enseignante, de s’interroger sur le rôle des autorités: «L’État ne chercherait-il pas à utiliser la population pour faire le sale boulot à sa place? Car pendant que les habitants chassent les gens de leur cour ou de leur parcelle, les gendarmes se contentent de veiller à ce que la situation ne dégénère pas en affrontements, sans plus. Paris sait qu’il laisse les gens entrer sans rien leur proposer.»
La tension pourrait encore monter
«Chasse aux étrangers à Mayotte: mais que fait l’Etat?» s’interroge d’ailleurs l’Obs, parlant de «situation explosive».
Certes, la préfecture «condamne fermement ces expulsions» de même que les ministères de l’Intérieur et des Outre-mer qui ont rappelé que les individus impliqués auront à rendre des comptes à la justice.
Mais pour le Parisien, malgré ces «avertissements», «la tension pourrait encore monter d’un cran. D’autres expulsions sont pourtant prévues dimanche à Mtsamboro (nord de Mayotte) et le 5 juin à Kani-Kéli (sud de l’île). Dans la nuit de lundi à mardi, plusieurs véhicules ont été brûlés à Bouéni (sud de l’île) ; ils appartiennent à des meneurs des collectifs d’habitants qui ont expulsé les familles».
Aux Comores, la presse indique qu’un rassemblement “pour exprimer solidarité et condamnation” est prévu samedi matin à Moroni.
RR
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