Ces hommes, anciens juges de paix et notaires, sont avant tout des religieux. « A l’issue d’un examen, à Mayotte ou ailleurs, nous avons pu être désignés, cadis », indique Nourdine Bacar, le Grand-Cadi. Mariages, divorces, successions, répudiations, héritages, étaient leurs domaines de prédilection avant que Mayotte devienne département.
Depuis, le tribunal et les notaires ont pris le relais. Radicalement, et en les laissant de côté en 2011, mais avec un en-arrière toute depuis, tant ils ont su montrer leur utilité en s’impliquant dans la vie sociale.
L’objectif final qu’a défendu en première ligne le député Ibrahim Aboubacar, est de les intégrer définitivement au ministère de la Justice. Il avait notamment rattaché une délibération trop tardive du conseil départemental à la loi de modernisation des Outre-mer, le texte n’avait pas été voté par le parlement. « Mais étant donné que le président du tribunal et le procureur les jugent indispensables, et qu’ils sont finalement présents à la plupart des réunions sur l’action sociale en préfecture, nous allons retravailler le dossier, « indiquait Issa Issa Abdou, 4ème vice-président en charge de l’action sociale et de la santé.
Les cadis sur la place de la République
Il présentait ce mercredi 18 mai la nouvelle organisation. Exit le médiatique ex-porte-parole des cadis, El Mamouni Mohamed Nassur, « je reconnais son travail, mais il est désormais DGS de la commune de Tsingoni », glisse le conseiller départemental, souhaitant faire taire toute polémique qu’avait alimenté l’ancien porte-parole, avançant avoir été reconduit par le Grand-Cadi himself.
C’est désormais Younoussa Abaine qui chapeautera les cadis au sein de la direction de la médiation sociale. « Mais pas question de nous voir intervenir en permanence sur les médias. Nous ne resterons pas pour autant dans nos minarets, et nous rendrons autant qu’il le faudra sur le terrain », tient-il à rassurer. A la demande du vice-président, ils se sont d’ailleurs rendus sur la place de la République pour étudier la situation, « mais nous sommes davantage dans la répression que dans la médiation », relève Issa Issa Abdou.
Et pourtant, leur formation d’hommes de paix les porte naturellement vers le dialogue et la conciliation, ce qui ne serait pas de trop dans la situation actuelle. Sans se mettre en porte-à-faux, ils peuvent inciter à la compréhension mutuelle de la situation, comme le fait l’association Mayotte-Anjouan.
Eviter les conflits sociaux
Le rôle principal des 19 cadis, un par commune, et deux à Mamoudzou, sera d’éviter les conflits sociaux, ce qui implique une entente parfaite avec les élus locaux : « Vous avez un rôle de proximité, pour lequel il faudra peut-être envisager de tenir des permanences, avec une sensibilisation des parents », relève Moinécha Soumaïla, conseillère départementale de Ouangani. Les maires devront notamment réserver un espace de travail à ces nouveaux partenaires, comme le demande Nourdine Bacar.
Leur intégration comme agent départemental permet de se diriger vers une organisation plus rigoureuse, mais seront-ils aussi réactifs que par le passé ? On connaît la rigidité administrative… Younoussa Abaine se veut rassurant : « Nous allons travailler autrement, plus discrètement. Ils seront secondés par un secrétaire greffier dans chaque commune, et agiront vers un objectif que je considère prioritaire : que ce pays retrouve la sérénité ».
Un peu comme monsieur Jourdain pour la prose, les cadis font la plupart du temps de la médiation sans le savoir, mais ils passent désormais à une étape supplémentaire et il va falloir se professionnaliser : « Une formation est en réflexion et sera mise en place rapidement », indique Younoussa Abaine.
On ne sera donc pas étonnés de les retrouver aux quatre coins de l’île sur les conflits, représentants d’une autorité morale dont les jeunes ont tant besoin.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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