« La misère serait moins pénible au soleil », chantait Aznavour. C’est vrai que cela fait un mois que les habitants délogés de leurs cases campent place de la République, avec pour simple toit l’auvent du marché couvert, et que pour moins que ça, les lignes auraient bougé en métropole. Mais avec l’arrivée de la pluie cette nuit, doublée de vent, la situation devient périlleuse pour la santé des plus jeunes.
Selon Assani Mfoungoulie, le représentant de la Ligue des Droits de l’Homme (LDH) à Mayotte, ils sont toujours 84 adultes et 328 enfants à séjourner sur la place. Des familles en couple, ou monoparentale, ce qui fait une moyenne de 4 à 8 enfants par famille. Sur la place, une quinzaine suivent un cours d’école coranique, « les autres sont scolarisés et rentrent le soir », indique-t-il.
Enfants malades
Ceux qui restent, c’est ce tout petit bébé, abrité sous une moustiquaire, c’est aussi ce jeune enfant trachéotomisé (sous assistance respiratoire), qui était ce lundi matin en consultation à l’hôpital avec sa maman. Son papa témoigne : « Cela fait 25 ans que je suis à Mayotte, je travaillais à Majiméoni comme artisan maçon au moment où nous avons été chassés. J’ai pourtant une carte de séjour de 10 ans. » Il ne retournera pas en Union des Comores, « pas tant qu’on ne me garantira pas que je peux revenir », nous explique-t-il.
Selon Assani Mfoungoulie, aucun retour dans les villages n’a pu se concrétiser, en dépit des annonces de la préfecture : « Nous avions 5 dossiers dont les adresses n’étaient pas de complaisance. Mais soit les propriétaires n’ont plus voulu d’eux, soit leur habitation avait été détruite. L’oncle d’un enfant malade a voulu le ramener chez lui à Bouéni, mais la population l’a menacé. »
Guerre de l’info
Face à l’impasse, des familles auraient exprimé le désir de rentrer, « elles ont pu bénéficier d’une aide », apprenait-on de la préfecture. Mais pour Assani Mfoungoulié, elles sont parties contraintes et forcées, « pour calmer la situation. D’ailleurs, celles qui sont présentes depuis longtemps à Mayotte ont refusé, de leur propre chef. On ne pourra pas m’accuser de les avoir influencé. »
Il avait en effet été accusé d’instrumentaliser les enfants pour faire émerger une solution plus rapidement, d’avoir fait miroiter des possibilités de relogement et d’avoir échauffé les esprits contre la préfecture pour son absence de proposition.
Au milieu de la nuit, les occupants de la place ont été obligés de se replier vers le mur du marché lorsque la pluie s’est mise à tomber, « ils ont finit leur nuit assis. » Les soins médicaux sont assurés par des médecins réquisitionnés par l’Etat, par Médecins du Monde et une base de la Croix rouge sur la place du Marché, « nous avons l’eau courante et l’accès au toilettes en permanence. »
Pas de « décasage » ce week-end
En ce mois de Ramadan, les repas du matin et le futari du soir sont fournis par les dons de particulier et d’associations, « surtout l’association des ressortissants comoriens de Moroni à Mayotte, qui nous fournit aussi les couches et le lait pour les bébés. » Mais des moyens qui sont de plus en plus limités avec le temps. Il n’évoque aucune tension avec les commerçants du marché.
Il reproche toujours à la représentation de l’Etat de refuser ses solutions de relogement : « soit dans un camp militaire, en attendant une prise en charge par les associations », mais une prise en charge qui n’est toujours pas effective à l’heure actuelle, « ou d’un cordon humanitaire vers La Réunion ou les Comores, ce qui implique la prise en charge du billet retour vers Mayotte ensuite. »
Ce week-end, à la connaissance de la LDH, aucun « décasage » n’aurait eu lieu.
Malgré la situation régulière de ces familles, c’est donc toujours l’impasse, comme c’est souvent le cas lors des relations avec les îles voisines des Comores. Reloger cette poignée d’habitants qui commencent à souffrir de l’hiver austral, ne paraît pourtant pas insurmontable, même à la petite échelle de l’île. Surtout en plein mois sacré de ramadan.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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