L’Association des maires de Mayotte (AMM) poursuit ses travaux sur la refonte de la fiscalité à Mayotte demandée par le premier ministre Manuel Valls. Et entérinée par les 10 engagements lors de la rencontre à Matignon du 26 avril dernier.
Outre l’effacement de la dette issue de la transition fiscale, ou la réévaluation de la dotation globale de fonctionnement, un travail sur la mise en lumière de l’injustice fiscale que subit notre département est mené notamment par Saïd Omar Oili, le président de l’Association des maires de Mayotte. Il avait organisé ce vendredi un Séminaire d’état des lieux sur la fiscalité : « L’ensemble des maires et de leurs DGS était présent », se félicite-t-il.
Il faut aller vite, puisque la proposition doit être inscrite au projet de loi de finances 2017. Mais Saïd Omar Oili se dit empêché d’avancer : « Nous n’arrivons pas à obtenir des Services fiscaux les documents nécessaires. On continue à maintenir les élus dans l’ignorance. »
Les mairies pilotent à l’aveugle
Le DGS de l’AMM, Toillal Abdourraquib, explique : « Nous avons demandé les fichiers fiscaux, pour connaître le nombre de contribuables mahorais, ainsi que les fichiers cadastraux, pour les localiser et évaluer les surfaces concernées, en vain. Nous avons également sollicité la Direction des finances publiques pour avoir une assistance technique, sans réponse. » Ils se sont donc dotés d’un cabinet d’experts, en la personne de Philippe Nikonoff qui connaît bien la situation pour y travailler depuis 3 ans.
Et qui est très sévère, non pas contre la DRFIP de Mayotte « qui fait avec les moyens qu’elle a », mais envers les ministères des Finances et des Outre-mer : « Nous sommes bloqués. Les travaux produits par Mayotte sont sérieux, mais nous n’avons aucun retour de Bercy ou de l’Outre mer. »
Et décrit la situation : « Alors qu’en métropole les communes disposent de 8 catégories de fichier leur permettant de connaître leur situation fiscale, comme le nombre moyen d’enfants à charge par foyers fiscaux, trois ans après la mise en place de la départementalisation, les communes mahoraises n’ont rien. Seule En dehors du cadastre, et uniquement pour Petite Terre. »
Hausse des taux : « la décision catastrophique de la Chambre des Comptes »
Résultat, il est impossible pour une mairie d’évaluer les impacts de sa politique fiscale, « ce qui met en évidence l’énorme erreur de la Chambre régionale des comptes qui a demandé aux collectivités d’augmenter leurs taux, uniquement parce qu’elles étaient déficitaires. Ce n’est pas une solution viable quand la base fiscale est déjà la plus élevée de France. C’est une catastrophe sociale dont la Chambre porte la responsabilité. »
L’économiste rappelle que la valeur fiscale au m2 est 2 à 6 fois plus élevée qu’en métropole, « avec des revenus 2 à 6 fois plus faibles. » Inertie des services centraux parisiens d’un côté, « ils ne veulent pas reconnaître une erreur magistrale », et solution de facilité de la Chambre des comptes de l’autre, alimentent des rancœurs sur place selon lui : « Face à l’absence de travail des technocrates, les attentes sont déçues. Nous n’avons aucune nouvelle de l’engagement du premier ministre de réévaluation de la dotation globale de fonctionnement, par exemple. »
Les solutions pour baisser les taxes d’habitation et foncière
Il existe des solutions pourtant pour contrer la valeur locative élevée : « Tout d’abord faire descendre toutes les habitations d’une place sur l’échelle des catégories, puis abaisser leur coefficient de situation. La valeur locative peut être abaissée de 60% avec ces procédés. »
Les entreprises ne sont pas oubliées : « Il serait possible d’alléger leurs charges en passant la moitié d’entre elles qui n’est pas concernée par la zone franche d’activité, en zone franche urbaine. Ou, plus simple, il suffit pour l’Etat de décréter une baisse de 60% de la valeur locative sur l’ensemble du territoire. »
La perte de recettes pour les communes devra forcément être compensée, « par l’Etat. Ce qui correspond de toute manière à l’imposition qu’il doit verser en tant que propriétaire ou locataire de terrains. » Une opération quasiment blanche donc, et qui n’attend pour se réaliser, que le bon vouloir des services concernés à Paris. « Où est leur analyse à la suite de la demande de Manuel Valls ? C’est scandaleux », s’agace Philippe Nikonoff.
Un silence d’autant plus inquiétant que la date de remise des copies approche, « l’échéance de la rédaction du projet de loi de finance arrive, et l’Etat n’a rien apporté. » Une seule alternative selon lui : « Les élus devraient de nouveau monter au créneau et interpeler Manuel Valls. » Sans quoi, Bercy va continuer à jouer la montre.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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