Le 28 avril dernier, le JDM vous annonçait que l’immunité parlementaire du sénateur de Mayotte Abourahamane Soilihi était levée. Christian Larcher et le bureau du Sénat avait répondu favorablement à la requête lancée par le procureur de Mayotte via le parquet général de la Réunion et la Chancellerie. «Il s’agit d’une suspicion de recel d’abus de biens sociaux et d’une possible corruption», indiquait simplement le procureur de la République.
On en sait aujourd’hui un peu plus. Nos confrères du Journal de l’Île de La Réunion dévoilent ce lundi matin qu’Abourahamane Soilihi est visé par une enquête du parquet de Mamoudzou qui a débuté à… Tahiti. Les gendarmes de la section de recherches de Mayotte devraient prochainement interroger l’élu, ancien maire UMP de Mamoudzou, sur ses liens avec une société de travaux publics et d’aménagement installée à Papeete.
Abourahamane Soilihi est soupçonné, à ce stade des investigations, d’avoir profité de très généreux cadeaux de cette société qui cherchait à décrocher un gros marché pour l’urbanisation d’un quartier de Mamoudzou.
Tahiti et Los Angeles
D’après des documents saisis par la gendarmerie, le sénateur, qui reste présumé innocent, aurait bénéficié avec sa compagne d’un voyage tout frais payé à Tahiti en 2012, mais aussi d’un séjour d’agrément à Los Angeles lors d’une escale sur la ligne Paris-Tahiti. Il serait ainsi question de dépenses d’avion, d’hôtels, de restaurants, d’achats, de visite de studios de cinéma, le tout pris en charge par la société tahitienne pour plusieurs dizaines de milliers d’euros.
Ces faits, s’ils s’avéraient exacts, sont en effet susceptibles d’être qualifiés de «recel d’abus de biens sociaux» ou encore de «favoritisme».
Un projet jamais sorti de terre
Pour les autorités judiciaires, il est désormais indispensable de procéder à la garde à vue du sénateur pour qu’il s’explique sur ce voyage, ses dépenses et ses liens avec la société polynésienne. La levée de l’immunité parlementaire rend la démarche possible puisqu’elle permet «d’autoriser la mise en œuvre de poursuites pouvant conduire au placement en garde à vue, à la mise en examen et au placement sous contrôle judiciaire ou en détention provisoire» du sénateur.
L’enquête a démarré à Tahiti quand les gendarmes locaux ont saisi, dans le cadre d’une autre procédure, des documents liés à un projet d’immobilier à Mayotte.
Il est à noter que ce programme immobilier n’est jamais sorti de terre. Abourahamane Soilihi, sénateur depuis 2011, a été battu aux municipales de 2014. Le projet n’a pas connu de suite.
Un élu «serein»
Au lendemain de la levée de son immunité parlementaire, Ladjo Abourahamane Soilihi avait réagi dans un communiqué et se disait serein. Il indiquait qu’il avait lui-même appelé à cette levée. «Je suis donc satisfait car je vais pouvoir démontrer que je n’ai rien à ne me reprocher. Je souhaite pouvoir répondre aux questions que les services compétents voudront me poser et accéder enfin aux éléments de cette affaire», indiquait-il alors. Le sénateur disait se mettre à la disposition de la justice qu’il souhaitait «la plus impartiale».
Abourahamane Soilihi a déjà connu des déboires judiciaires. L’élu a été condamné le 5 juin 2013 à 6 mois de prison avec sursis, 10.000 euros d’amende et un an d’inéligibilité par le tribunal correctionnel de Mamoudzou dans une affaire d’emploi fictif au profit du maire de la commune voisine de Koungou
Abourahamane Soilihi avait fait appel et avait pu se représenter aux municipales de 2014.
Rémi Rozié, Le JDM,
avec Jérôme Talpin, Le JIR.
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