C’est donc une ressortissante du Portugal installée à Mamoudzou qui aurait mis en place un vaste trafic organisé de façon pyramidale, «un classique pour ce genre d’organisation», commente le procureur Joël Garrigue. La tête approvisionne de dealers principaux qui eux-mêmes vendent à des dealers secondaires.
C’est ainsi que parmi les 22 personnes interpellées, des métropolitains et des Mahorais, on compte 16 «gros» dealers et 5 dealers «subalternes» qui, en plus de leur consommation personnelle, pouvaient être amenés à faire quelques reventes, parfois pour financer leur propre usage. Ces dealers ne s’étaient pas spécialement répartis le territoire avec des zones qui auraient été des chasses gardées. Les revendeurs avaient chacun leurs clients propres et pouvaient même se retrouver dans les mêmes spots. D’ailleurs, beaucoup d’entre eux opéraient dans la zone de Mamoudzou.
Un business particulièrement prospère
La tête du réseau n’était pas une inconnue des gendarmes de la section de recherches (SR) de Pamandzi. Elle était déjà mise en cause dans le démantèlement d’un premier réseau d’importation et de vente de «chimique» à Mayotte en 2014. Mais elle n’avait alors qu’un rôle très secondaire. Ses fournisseurs ayant été mis hors circuit, elle aurait repris le flambeau et mis en place sa propre organisation… qui a particulièrement bien prospéré.
Au fil des auditions, les gendarmes ont tenté de reconstitué la masse de produit écoulé qui se présente sous forme d’une poudre pulvérisée sur du tabac à rouler. Les clients achetaient donc souvent des cigarettes. Il y en aurait pour près de 10 kilos achetés par internet. De la même façon, les déclarations des dealers ont permis de chiffrer à 1.400 le nombre de clients concernés. S’il semble impossible de lancer des procédures contre cette masse de consommateurs, pas tous identifiés, certains d’entre eux ont tout de même été orientés vers le centre de lutte contre l’addictologie du CHM à Mamoudzou.
Retrouver les 2 millions d’euros générés
Si le produit est très addictif, il est aussi peu cher, d’où une variété de profils très différents parmi les consommateurs, «métropolitains comme Mahorais, jeunes mais pas seulement, de toutes classes sociales, très souvent paumés», relève le procureur.
Quant aux sommes d’argent que ce trafic aurait brassé, les enquêteurs parlent de 2 millions d’euros qu’ils sont bien décidés à retrouver, même si la traçabilité ne va pas être facile. Certains auraient réinvesti dans le trafic, d’autres dans du bétail… et bien d’autres choses.
«A l’heure actuelle, l’enquête s’attache à établir le rôle exact de chacun et à retrouver les sommes générées par cette activité», indique Joël Garrigue.
«On n’aura pas d’état d’âme»
Il s’agit donc du 2e démantèlement d’un trafic de drogue de synthèse dans notre département mais l’ampleur de celui-ci est plus importante qu’en 2014. Et malheureusement dans ce genre de cas, il est fort probable que le scénario se répète. «Taper dans la fourmilière, c’est toujours un motif de satisfaction. Perturber ce trafic, à défaut de l’éradiquer, c’est énorme. Et on continuera aussi longtemps qu’il le faudra. On n’aura absolument pas d’état d’âme, d’autant que chaque fois qu’on avance, on devient plus forts», explique le procureur Garrigue.
Non seulement les enquêteurs ont affiné leurs connaissances sur les méthodes d’organisation mais ils disposent depuis plus d’un an d’un arsenal juridique mieux adapté. Grâce aux remontées effectuées par Mayotte et quelques autres départements concernés par la vente de «chimique», de nouvelles familles de molécules ont été classées dans la liste des produits stupéfiants en mai 2015. Du point de vue du droit, ce trafic relève donc bel et bien du trafic du trafic de drogue.
RR
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