Presqu’un mois. Le 23 juin dernier, la crise des décasés connaissait un nouveau rebondissement, synonyme d’un temps d’apaisement. Les dizaines de personnes qui dormaient sur la place de République à Mamoudzou sont alors convoyées vers le gîte de Bengali. Un premier recensement est effectué par la préfecture qui fait état de 130 personnes dont 70 enfants. Ce n’est qu’un début. Le nombre de personnes va continuer à augmenter dans les jours qui suivent jusqu’à atteindre un maximum de 320 le 30 juin.
Depuis, leur nombre de personnes hébergées sur le site a diminué et se situerait plutôt aux alentours de 216. Seules les personnes qui ont été autorisées par la préfecture à y séjourner ont pu rester sur place gratuitement. Les autres devaient s’acquitter de sommes bien supérieurs à leurs moyens. Elles ont quitté le gîte.
Sur place, un quotidien s’est mis en place. Une partie des familles est hébergée dans les chalets en bois, les autres vivent dans des petits bâtiments en construction. «Un mois après, la chose la plus surprenante est qu’un nombre important de familles disent qu’elles préféreraient retourner sur la place de la République», explique Yohan Delhomme de la Cimade. Une attitude qui pose question.
Des personnes qui se sentent isolées
L’association dénombre trois problèmes importants auxquels sont confrontées ces personnes déplacées. Le premier est l’isolement. Le gîte est à 10 kilomètres de Mamoudzou et donc de l’ensemble des services. Depuis la fin de la rotation d’une navette de bus au début du mois, les personnes doivent marcher sur les 2 kilomètres de la piste en terre qui rejoint la nationale et doivent ensuite espérer pouvoir profiter d’un taxi.
D’après ces personnes, cet isolement serait également un problème pour faire venir les pompiers en cas d’urgence.
Mais à cet isolement géographique se rajouterait un certain nombre de restrictions dans l’accès au site. Si les entrées et sorties sont contrôlées pour éviter toute dérive, les visites de personnes extérieures sont très réglementées, elles ne seraient autorisées que les lundis et jeudis de 13 heures à 17 heures. Et l’accès peut être refusé. «Des bénévoles de la Cimade n’ont pas toujours été autorisées à entrer sur le site», dénonce Yohan Delhomme.
Des problèmes matériels
«Nous nous posons également beaucoup de questions autour de la liberté de parole», poursuit Yohan Delhomme. «Des personnes craignent d’être expulsées si elles s’expriment trop ouvertement».
Enfin, le dernier problème important serait l’accès à l’eau. Les associations n’ont en revanche pas relevé de problèmes liés à la quantité de nourriture.
Une ultime question réside dans les vêtements dont disposent les personnes relogées. Elles ont généralement tout perdu lors de leur «décasage» et les températures sont fraîches la nuit et le matin sur les hauts de Mayotte en cet hiver austral.
Le sujet des conventions
Un mois après, d’autres interrogations se posent sur la prise en charge de cette situation par les pouvoirs publics. Une 1ère convention a été signée entre les gérants du gîte et la préfecture. Elle couvrait la période du ramadan et précisait que l’Etat prenait en charge l’alimentation des déplacés. Les deux mois suivants devaient eux aussi faire l’objet d’une convention mais elle n’a pas encore été signée. Le gîte n’aurait pas non plus perçu à ce jour les sommes promises pour couvrir les frais.
«Conséquence de ce vide juridique, les 2 gérants et leur équipe de salariés agissent comme ils peuvent pour gérer un camp de 200 personnes, un camp de déplacés qui ne dit pas son nom et que l’Etat veut cacher», explique Yohan Delhomme.
Problèmes administratifs
Toutes ces personnes sont présentes de manière régulière sur le territoire mais là encore, un problème commence à se poser. Certaines d’entre elles pourraient devenir sans papier dans les semaines qui viennent. Pour renouveler un titre de séjour, il faut disposer d’une attestation d’hébergement et ces personnes ne sont pas toutes en mesure de fournir le document.
Un mois après, la vie de ces «décasés» est donc encore loin d’être stabilisée. La préfecture indiquait à l’époque que «cette solution digne et humaine (devait) permettre à chacune des familles présentes sur place de trouver, à court terme, une solution d’hébergement plus pérenne, en liaison avec les services sociaux et les associations en charge de ces questions». Nous n’y sommes manifestement pas encore.
RR
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