Jusqu’à présent, les agents du service «rivières et gestion de l’eau» du département interviennent au coup par coup. Quand on signale un problème sur le débit d’un cours d’eau, ils remontent patiemment la rivière jusqu’à trouver le «barrage», l’embâcle qui pose problème. «Ca peut être un tronc d’arbre et des débris naturels qu’il faut parfois dégager pour permettre à la rivière de s’écouler normalement. Mais il faut bien gérer ces embâcles parce qu’ils peuvent être importants pour la biodiversité», explique Ali Saindou, le directeur de l’environnement et du développement durable au département.
«Mais dans les zones urbaines, c’est différents. On trouve énormément de tissus, de couches culottes… Sans parler des sachets de lessive et même des berlingots de javel. Notre mission de sensibilisation au respect des rivières est très difficile…»
Désormais, tous les sujets qui touchent à nos cours d’eau vont gagner en clarté et en organisation. Les élus du département viennent de voter en faveur de l’élaboration d’un «schéma d’entretien et de restauration des rivières de Mayotte».
L’enjeu est important car les cours d’eau représentent 65% de nos ressources en eau, les 35% restants provenant de forages et de la désalinisation. Selon l’état des lieux du SDAGE 2016-2021, 55 % de ces rivières sont dans un état écologique «médiocre à mauvais». Et ces ressources sont sous la responsabilité du département, une exception à l’échelle nationale.
Propriété du département
Alors que partout ailleurs, l’Etat possède les rivières, chez nous, elles appartiennent au département… «jusqu’au débordement de la plus basse berge. Nous possédons donc les fonds et l’eau mais pas les berges dont l’entretien est à la charge des propriétaires privés ou publics», précise
Ali Saindou.
Conséquence, héritage d’une loi très ancienne, à Mayotte, «nul ne peut prélever de l’eau sans autorisation» du département, et ce quel que soit le terrain.
Cette responsabilité dans la gestion des rivières, le département en a peu à peu pris la mesure. Aujourd’hui, l’équipe qui intervient sur les cours d’eau est constituée de 16 agents titulaires permanents. Et l’an dernier, ils ont reçu l’appui de… 80 CUI (contrats aidés) ce qui a considérablement changé leur force de frappe. «On a pu nettoyer 16 cours d’eau et on espère qu’on pourra à nouveau bénéficier de tels dispositifs», explique Ali Saindou,
Connaitre les rivières
A Mayotte, nous sommes riches d’une centaine de bassins versants mais nous ne connaissons pas précisément le nombre de rivières permanentes (environ une vingtaine), de cours d’eau temporaires et de ravines dont le rôle se limite à évacuer les pluies. «Nous ne disposons pas d’éléments de suivis hydrologiques récents. Or, au cours des 20 ou 30 dernières années, on sait que des cours d’eau ne sont plus alimentés, que les berges de nombreuses rivières ont été colonisées et sont habitées avec des conséquences parfois fatales sur les cours d’eau…», constate Anil Akbaraly, chef du service gestion des rivières et de l’eau au département.
Avec le travail sur ce schéma, il s’agit d’abord de mettre à jour et d’affiner toutes ces connaissances. Sur le terrain, les agents sont mis à contribution. Quitte à remonter les cours d’eaux pour les nettoyer, autant en profiter pour ramener le maximum d’informations.
Résultat, un travail de recensement et de classement des cours est en cours d’élaboration. Il viendra appuyer le chantier de mise à jour cartographique qui utilise déjà des prises de vues aériennes.
Etat des lieux
L’objectif est aussi de faire un état des lieux de l’environnement de ces rivières (zones urbanisées, déboisées, cultivées, sauvages…) et des berges qui pourraient nécessiter une restauration. Il faut aussi identifier les zones où des prélèvements d’eau sont effectués, généralement illégalement (même si le service n’a pas de pouvoir pour dresser des PV) et les endroits qui reçoivent des rejets d’eaux usées… «Avec cet état des lieux, nous voulons disposer du maximum d’informations sur la pression humaine sur le milieu mais aussi parfois sur des perturbations naturelles, comme la présence éventuelle de plantes invasives», précise Anil Akbaraly.
Pour ce travail, les élus ont voté un budget de 290.000 euros sur deux ans, deux années à l’issue desquelles, le département pourra ensuite déléguer des missions qu’il aura parfaitement décrites et définies, dans des zones qui seront aussi très clairement connues, grâce à des «contrats de rivières».
«On pourra même mobiliser des fonds européens car il existe une ligne pour la restauration des milieux».
Le service, enfin soutenu par les élus, tente donc de répondre aux enjeux liés à nos rivières. «On veut finir ce travail avant l’entrée en application de la loi Notre qui prévoit que l’entretien et la gestion des rivières deviennent des missions des intercos à partir de 2020», explique Ali Saindou. La volonté est donc d’amasser les connaissances et les savoir-faire pour mieux pouvoir les transmettre à des entités qui n’auront pas toujours les moyens de les acquérir autrement.
RR
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