Y a-t-il du pétrole dans les îles éparses françaises? Il y a un peu plus de 6 mois, à quelques jours de la COP 21, Ségolène Royal, la ministre de l’environnement, avait été contrainte de signer deux permis de prospection pétrolières à deux sociétés, l’Américaine Marex Petroleum Corporation et la Nigériane Sapetro.
Ces deux permis d’explorer dans les eaux françaises de l’océan Indien visent les eaux de Juan de Nova, la petite île éparse à 600km au sud de Mayotte. 5km2 de terres immergées, 200km2 de lagon et un sous-sol qui attise les convoitises.
«N’ayant pas eu de réponse pendant deux années, nous avons porté l’affaire devant le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion qui a la juridiction sur Juan de Nova», indique Robert Bertagne, le président de la société américaine qui travaille sur ce territoire depuis 2008, à nos confrères du JIR. «Le juge a prononcé un jugement en notre faveur et accordé que le permis soit renouvelé».
Si ses calculs se confirment, le réservoir qui dort à Juan de Nova s’étend sur 23.000km2. La poche serait située à quelque 3.000 mètres de fond. Pour autant, Robert Bertagne, refuse de parler du Canal du Mozambique comme un nouvel Eldorado. «Il faudra attendre les résultats du premier forage», indique-t-il simplement, mais il semble que des scénarios soient prêts en cas de découverte.
Mayotte concernée très directement
Robert Bertagne précise ainsi: «Lorsque nous forerons, nous aurons des points d’attache administratifs et opérationnels à Mayotte et à la Réunion. Mais pour le moment, il n’y a aucune découverte en dehors de l’offshore du Mozambique et des forages de Manambolo à Madagascar.»
Les choses pourraient évoluer dans un avenir assez proche. «Nous sommes dans la Canal de Mozambique parce que nous en connaissons bien la géologie. On reconnaît 300 bassins sédimentaires dans le monde dont seulement 150 ont été explorés. Marex a explorée 77 bassins sédimentaires situés dans 44 pays où nous avons eu certaines découvertes. Pour le moment notre seul intérêt est dans le Canal de Mozambique… Vous pouvez en tirer vos propres conclusions».
Dans le Canal du Mozambique, entre les eaux malgaches, mozambicaines, tanzaniennes et françaises, 21 compagnies pétrolières ont acquis des droits de prospection depuis une dizaine d’années. À ce jour, aucun forage n’a encore été réalisé dans les eaux des TAAF.
La question de la souveraineté
Des campagnes de recherches sismiques ont été faites en 2012, 2013 et 2014, souligne Cécile Pozzo de Borgo, préfet des TAAF, qui reconnaît que «le contexte géologique identifié constitue un indice de ‘piège’ à hydrocarbures, justifiant la poursuite des recherches»… et l’intensification des manœuvres diplomatiques.
«En cas de découverte majeure, oui il y a un véritable enjeu économique pour la France», précise Benjamin Augé, chercheur à l’IFRI (Institut français des relations internationales), spécialiste de l’Afrique*. «Concernant la souveraineté, Madagascar revendique celle sur Juan de Nova. Il semble alors en cas de découverte, très difficile de ne pas ouvrir le processus politique de concertation.»
Ce que confirme Cécile Pozzo di Borgo. «Seule la réalisation de forages exploratoires permet de définir s’il y a un véritable potentiel dans cette zone. L’enjeu économique pour la France est impossible à déterminer à ce jour», précise-t-elle.
Des discussions avec Madagascar au plus haut niveau
«Les îles Éparses font partie des Terres australes et antarctiques françaises. Elles sont aussi depuis les années 1970, l’objet de contestations de souveraineté de la part de Madagascar. Le sujet est abordé lors des entretiens de haut niveau avec les autorités malgaches en place depuis 2014. La question d’ouvrir un processus politique de concertation en cas de découverte de pétrole dans cette zone relève de la compétence du Ministère des affaires étrangères», indique la préfet des TAAF.
Comme ce fut le cas lors de la visite de Ban Ki-Moon, le secrétaire général de l’ONU à Madagascar il y a quelques semaines, la France pourrait donc être rappelée à ses souvenirs historiques. En effet, le Général de Gaule avait séparé les îles éparses de la Grande Île, quelques mois avant l’indépendance malgache. Une intervention sur les frontières, a priori contraire aux conventions internationales… C’était il y a 56 ans mais les enjeux pourraient faire de ces pages des livres d’histoire, une question d’actualité sensible.
RR, le JDM
avec le JIR.
* Benjamin Augé a mené l’an dernier une étude intitulée «Pétrole et gaz en Afrique de l’Est : quels enjeux et quel périmètre».
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