Osons le parallèle avec Claude Allègre qui avait évoqué un mammouth pour parler de l’Education nationale, et, dans la même veine, comparons le STM à une baleine. Non qu’il faille uniquement dégraisser le cétacé, mais parce que plus d’un se sont heurtés à une réforme, et qu’ils ont été remerciés. Ce fut le cas du directeur d’exploitation de la maison en 2013, qui fut lâché par un président du département, Daniel Zaïdani, pourtant non consentant, mais sous pression d’un mouvement social.
Franck Fournier ne savait pas encore complètement à quoi il s’attendait lorsqu’il y a un an il disait oui au conseil départemental. Tout d’abord, c’est une compagnie maritime, avec toutes ses contraintes spécifiques, qui se trouve gérée par une administration. « Parfois, je sens des incompréhension quand j’explique qu’il faut envoyer les marins en formation pour faire renouveler leurs brevets », confie-t-il.
Plusieurs départements à frontière maritime en métropole gèrent une compagnie maritime pourtant. Quels sont donc les problèmes à Mayotte ?
Pouvoir décisionnel éparpillé
Dans les autres services maritimes départementaux, le pouvoir décisionnel est centralisé. C’est plus difficile à Mayotte. Daniel Zaïdani avait en son temps proposé la mise en place d’un Comité de réflexion sur la gouvernance du STM en collaboration des services de l’Etat.
Franck Fournier insiste sur le contraintes : « Les navires obéissent au droit maritime national et international, et à sa réglementation. Nous sommes suivis par des sociétés de classification, des visites, des mises en conformité en dehors de l’entretien et des interventions habituelles sur ces navires ». Cependant, en cas d’entretien ou d’avarie, il peut compter sur une barge de renfort, « nous la remplaçons en 20 minutes environ, mais pendant ce temps, le flux de passagers augmente. »
Dans ce cas, l’information doit circuler, ce qui fait gravement défaut au STM, « je n’ai pas été bon en communication », nous avait-il avoué, mais ça va changer, assure-t-il, « nous réfléchissons à un système d’info-trafic avec des panneaux lumineux à budgétiser. »
Un prix de la traversée non révisé
En matière de dépenses aussi, ça coince. Le budget du STM n’est toujours pas tenable, puisqu’il peut toujours compter sur environ 3 millions d’euros de recettes pour 10 millions d’euros de dépenses de fonctionnement. En découle toute une série de freins lorsqu’il faut engager des dépenses supplémentaires pour changer des pièces à importer de métropole, ou envoyer les marins pour une formation ou l’obtention d’un brevet.
Un déséquilibre que la Chambre régionale des comptes sanctionne à chaque fois qu’elle le peut, et pour lequel elle préconise régulièrement une réévaluation des tarifs. Une traversée à 75 centimes que certains élus avaient voulu maladroitement augmenter il y a quelques années, dans des proportions non supportables, quand un euro symbolique semble envisageable, surtout s’il garantit un meilleur service. Quitte à pratiquer une tarification sociale. Non sans avoir mis en place auparavant un contrôle sans faille contre les fraudeurs.
Menace de suspension de l’agrément
Le trafic continue à augmenter avec la population de l’île, « de 5% de 2014 à 2015 », et le Service se dote en septembre, pour une utilisation fin octobre, d’un nouvel amphidrome, le Polé, d’une capacité de 590 places. Telle qu’on voit mal comment s’exonérer d’un agrandissement des gares maritimes. Avec le Georges Nahouda, il va donc pouvoir absorber ces pics d’affluence. Et palier les pannes. Une barge a ainsi dû être arrêtée pour inondation de la cale machine à la suite d’une erreur de manipulation.
Un amphidrome et une barge sont actuellement en arrêt technique, 2 amphidromes et 3 barges sont opérationnels. Le STM possède aussi une barge flottante.
Cela fait des années que les Affaires maritimes font planer la menace du retrait de l’agrément de navigation faute de marins suffisamment brevetés. C’est en cours, explique Franck Fournier : « Nous avons mis en place un Plan de formation pour faire évoluer les marins du pont de capitaine 200 au brevet de capitaine 500. » Un niveau exigeant qui va demander des capacités, tout comme celui des ‘3.000 kw’ à la machine, pour lequel il faudra recruter, nous avait expliqué le président du conseil départemental. Ils sont 280 salariés à travailler dans ce Service maritime.
Compagne de voyage
Le STM est dans une phase transitoire, selon Franck Fournier, « une phase d’attente évolutive », ce qui peut paraître paradoxal, « nous devons stabiliser les coûts pour mieux nous développer. »
Pendant qu’il répond à nos questions, la grue achetée pour remplacer le portique roulant de 10 tonnes, désormais hors d’usage, s’active : « A 15h un vendredi, le personnel travaille encore », nous prend-il à témoin, alors que beaucoup d’administrations ont fermé à cette heure là pour cause de mosquée du vendredi.
S’il avance 97% de fiabilité, non compris les petits retards, sur des rotations qui s’effectuent comme un métronome toutes les demi-heures, en transportant 12.000 à 15.000 passagers par jour, Franck Fournier comprend l’exigence et la relation affective à la barge, « c’est le premier lien quand on part travailler, le dernier quand on rentre, fatigué, chez soi… Dans les deux cas, on est pressé, et on accepte difficilement le moindre retard. »
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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