Les chiffres claquent comme un constat d’échec de nos sociétés. À la Réunion, plus de 116.000 personnes ne savent pas lire, écrire ou compter. L’illettrisme touche 14% des jeunes Réunionnais (3 fois plus qu’en métropole) et environ 22% des 16-65 ans, selon une enquête de l’Insee de 2011. A Mayotte, 6 personnes sur 10 ne maîtrisent pas les compétences de base en langue française.
Dans notre département où la scolarisation de masse est récente, une personne sur trois n’a jamais été scolarisée. Mais alors que près de 97% des jeunes mahorais vont aujourd’hui à l’école, cette massification de l’enseignement n’a pas résolu tous les problèmes. Plus qu’ailleurs, la difficulté avec la langue française persiste. L’illettrisme touche chez nous encore 19% des bacheliers. «La situation est très atypique comparée aux autres départements», confirme Jamel Mekkaoui de l’Insee Mayotte.
Les deux îles s’attaquent à ce fléau pour ne pas laisser une grande part de leur population sur le bord de la route d’une société où l’écriture et la lecture sont toujours plus essentielles.
Un plan porté par la commune de Saint-Pierre
En fin de semaine dernière, la ville de Saint-Pierre (sud de La Réunion) a signé une convention pour élaborer d’un plan de prévention et de lutte contre l’illettrisme (PPLI).
Avec l’agence nationale de lutte contre l’illettrisme, la mission locale et le centre du service national Réunion-Mayotte, l’objectif est tout simplement d’éradiquer le phénomène. «C’est un engagement commun entre quatre partenaires pour que chacun puisse lire, écrire, compter, c’est-à-dire maîtriser les compétences indispensables», explique Daniela Soundron, conseillère en charge de la jeunesse et de la vie éducative à Saint-Pierre.
Le but de cette convention est de «mutualiser au maximum les outils, les actions et le diagnostic des personnes touchées par l’illettrisme», explique Vincent Lagoguey, sous-préfet de Saint-Pierre. Avec plus de 80.000 habitants, la capitale du sud de la Réunion est particulièrement touchée par ce problème et par le tabou qui l’entoure. «Cela concerne tout le monde, précise Paella Gigan, chargé de ce plan. Il faut sensibiliser à l’existence des illettrés. Il faut mettre ce fléau en lumière pour mieux le combattre». Ce sont ainsi des actions concrètes qui vont se mettre en place comme la «prévention de l’illettrisme en milieu scolaire, des formations pour les publics concernés, la création et l’animation d’un réseau de partenaires», poursuit Paelle Gigan.
Un travail de plusieurs décennies
A Mayotte, le principe d’une plate-forme contre l’illettrisme (PFLCI) a été acté par le département pour coordonner les différentes actions engagées. Une enveloppe de l’ordre de 1,2 million d’euros a été mobilisée au mois d’août dernier, la CSSM est également engagée dans cette action. L’enjeu est tel que cette plate-forme a été intégrée au contrat de plan Etat-Région.
Ce dispositif commence à monter en puissance en procédant à des recrutements de spécialistes pour ensuite déployer des actions de formation l’année prochaine dans diverses institutions. Un plan d’actions 2015-2016 a même déjà été élaboré. Mais déjà, des collectivités se mobilisent pour leurs agents. Ainsi à Chiconi, une quarantaine de fonctionnaires en difficulté avec la langue française, vont prochainement bénéficier d’une formation du CNFPT spécialement mise en place pour eux. Les agents du SIDEVAM pourraient également bénéficier de formations de ce type.
Et ce n’est que le début d’un très long travail. «Ce bon démarrage ne sera qu’une très modeste contribution à la lutte contre l’illettrisme à Mayotte, qui requerra des décennies d’efforts», estimait Jean-Christophe Lebrun, chargé de mission pour la plate-forme de lutte contre l’illettrisme (PFLCI) en mai dernier lors d’un atelir sur la question organisé par le CNFPT. «En effet la démographie de l’île, l’immigration massive et la production d’illettrés, malgré la scolarisation, sont autant d’obstacles qu’il convient d’appréhender dès maintenant pour éviter toute désillusion…»
La question de l’apprentissage des langues
Au moment où la notion d’égalité avec la métropole devient un enjeu politique, les journées nationales d’action contre l’illettrisme organisées au début du mois rappelaient que le fossé est grand avec l’hexagone où la situation n’est pourtant pas brillante. En métropole en effet, 7% de la population est considérée comme illettrée. Ce sont donc deux millions et demi d’adultes*, passés sur les bancs de l’école pendant au minimum 10 ans qui en sont ressortis incapables de se débrouiller avec la langue française.
Chez nous, une donnée est tout de même à garder en mémoire: le français n’est pas la langue maternelle de la majorité de la population. Pour autant, la dernière étude de l’Insee sur le sujet en 2012, montrait que les personnes dont les lacunes étaient importantes en français maîtrisaient également mal la langue mahoraise. C’est donc bien la question générale de l’apprentissage des langues auquel notre département est confronté. L’évolution notable du vice-rectorat sur la question montre que l’Education nationale aussi est prête à faire face à la question, espérons-le sur le long terme.
RR
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*En métropole, on estime que les personnes concernées par l’illettrisme sont des hommes à plus de 60%. Plus de la moitié ont un emploi (51 %), 10 % sont au chômage, 17,5 % sont retraités, 13,5 % en formation ou en inactivité et 8 % sont au foyer.
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