Ce 20 décembre 2011, plusieurs enfants jouent dans l’enceinte de la carrière de ETPC à Koungou. Malgré la présence de panneaux en interdisant l’accès, ils vont se baigner dans le bassin de rétention. « Un jeune marche sur quelque chose dans l’eau, il s’agit du corps de R., 8 ans, qui vient de se noyer », le président de l’audience collégiale du tribunal correctionnel, Laurent Sabatier, revient sur les faits.
La réglementation est stricte : une carrière ne peut être exploitée que si elle est clôturée, mentionne un arrêté de 1994. Tout contrevenant s’expose à une contravention de 5ème classe. Boris Duverger, gérant de la société, est à la barre et explique que dans un premier temps, ETPC avait clôturé l’espace à proximité des habitations, pour se protéger de toute intrusion : « Les villageois passaient fréquemment pour se rendre aux champs. »
Pour le juge, c’est le bassin de rétention qu’il fallait privilégier, tout en indiquant qu’à 8 ans, le jeune était en âge de lire et de comprendre les panneaux d’interdiction, « ses copains le diront, ils savaient que c’était interdit, le personnel d’ETPC le leur disait. » Il vient de synthétiser les arguments en présence.
Des constats d’huissier à chaque intrusion
Clôturer l’ensemble, c’était l’étape suivante que la société avait commencé à mettre en place dès le mois de mai 2011, « mais les grèves et les blocages qui ont commencé en septembre 2011 nous ont obligés à suspendre », rappelle Boris Duverger. L’accident survient en décembre, alors que l’île se réveille de ce sursaut social.
D’autre part, les barrières sont fréquemment volées. Après l’accident, elles sont remplacées par un système plus costaud, appuyées sur des piquets fichés dans le béton, plus compliqués à dérober. Une double enceinte, dont la 1ère protège le site même, et la seconde, l’ensemble du périmètre de la carrière.
« Pourquoi avoir attendu la mort d’un enfant pour renforcer la protection ? », s’interroge la substitut du procureur qui reste sur l’arrêté préfectoral qui impose de clôturer. Une enceinte qui est encore l’objet d’intrusion, comme l’explique Boris Duverger : « Des personnes se créent un passage sous la barrière. Nous faisons maintenant systématiquement des constats d’huissiers. Nous avons également alerté l’Etat sur les habitations qui se rapprochent, mais personne n’est intervenu. »
Surveillance des parents
Le directeur de la société de l’époque avait rendu visite à la famille, « il aurait dû être plus présent, au moins par le biais de son avocat », relève la partie civile, les parents de l’enfant, par le biais de son avocat. Il rajoute qu’un premier courrier d’une riveraine avait alerté la société sur un déficit de protection, « et ETPC savait que des enfants venaient se baigner, deux employés l’ont attesté. »
Les parents se sont portés partie civile, ainsi que l’avocat à la place des enfants. Mais les conclusions étant parvenues trop tard à l’avocat de la défense, le jugement des intérêts civils est renvoyé au 3 février 2017.
La procureur demandera 20.000 euros d’amende dont 10.000 euros avec sursis.
Maitre Kamardine axe la défense de ETPC autour de deux points. « La procureur accuse ETPC d’avoir contribué à la noyade, mais l’attitude des parents n’est-elle pas en cause ? On ne peut se soucier de leur présence que le soir, il avait 8 ans ! C’est un problème que nous retrouvons toujours dans notre salle d’audience. ». Un argument qu’il compte réitérer à l’audience de jugement des intérêts civils.
Le vol des barrières sera sa deuxième charge, en direction du parquet : « ETPC dépose plainte, sans réaction, et ceux-là même qui sont chargés d’en donner suite, viennent reprocher l’absence de protection ?! » Il invite ensuite le juge Sabatier à venir « en vadrouille » du côté de Koungou constater les dégradations sur les clôtures, « en déplacement judiciaire », corrige en souriant le magistrat.
Il conclut sa plaidoirie sur la reconnaissance d’un homicide involontaire, mais s’il y a amende, demande du sursis, « la société a fait beaucoup d’efforts pour renforcer sa protection. »
Il sera entendu puisque si ETPC est reconnue coupable d’homicide involontaire, elle est condamnée à une amende avec sursis de 5.000 euros .
A.P-L.
Le Journal de Mayotte
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