C’était un engagement pris par François Hollande lors de son déplacement aux Antilles. Mercredi dernier, le Sénat a adopté à l’unanimité la proposition de loi sur «l’action extérieure des collectivités territoriales» et «la coopération des Outre-mer». En mai dernier, le président de la République avait en effet indiqué vouloir permettre aux collectivités de bénéficier d’outils renforcés et étendus pour traiter directement avec leurs voisins. L’idée était de nouer des liens et de résoudre les difficultés rencontrées sans pour autant modifier la responsabilité finale de la conduite des Affaires étrangères par Paris.
Ce projet de loi permet en effet aux collectivités de signer des accords internationaux, une prérogative jusqu’alors strictement réservé au gouvernement de la France. Il élargit également les sujets qui peuvent entrer dans cette coopération régionale.
Le texte prévoit ensuite la liste des pays avec lesquels chaque département peut négocier et dans quels domaines de compétences. Ainsi, en plus de la coopération avec les îles voisines, Mayotte et La Réunion vont pouvoir engager des liens avec le continent, l’Afrique du Sud, le Mozambique ou la Tanzanie. Mais, les 2 départements pourraient voir beaucoup plus loin. «Il conviendrait également de viser les États d’Asie du Sud Est ou d’Océanie riverains de l’océan indien car certaines collectivités de La Réunion ont déjà engagé une coopération décentralisée avec des collectivités locales en Inde par exemple (accord de coopération entre le conseil régional de La Réunion et l’État du Karnataka) ou en Chine (accord de coopération entre la région Réunion et la ville de Tianjin…).
En réalité, Mayotte et La Réunion pouvaient déjà proposer au gouvernement «la conclusion d’engagements internationaux avec ‘les États de l’océan Indien’» mais le texte était trop flou pour être réellement mis en œuvre.
Economie, enseignement, santé…
Pour Ericka Bareigts, la ministre des Outre-mer, ce texte permet aux collectivités d’Outre-mer d’«initier avec leur partenaires, dans leur bassin régional, des échanges et des coopérations en matière économique, universitaire, pour l’enseignement, l’amélioration des systèmes de santé…», dans le respect des prérogatives de l’Etat en matière diplomatique.
«Chaque territoire pourra ainsi définir et inscrire son action dans son bassin régional, selon ses spécificités, ses besoins et ses attentes.
Ces échanges seront encore renforcés par les dispositions du projet de loi ‘Egalité Réelle Outre-mer’ qui favoriseront la mobilité et les échanges scolaires linguistiques dans les zones géographiques des territoires d’Outre-mer. Une nouvelle génération de jeunes Ultramarins, ouverts sur leur environnement proche, pourra ainsi émerger», espère la ministre.
Les sénateurs du groupe socialiste se sont réjouis de l’adoption de cette proposition de loi, soulignant le fait que les Outre-mer vont «pouvoir plus directement organiser et réguler leur coopération avec les territoires avoisinants», leur «grande frontière». «C’est une perspective de dynamisation des économies locales pour ces territoires qui est donnée par ce texte porté par le député Serge Letchimy (député de la Martinique)», rajoutent les sénateurs qui parlent d’une «chance de rayonnement donné à la France».
Intégrer la COI
Tout en reconnaissant l’avancée de cette disposition à Mayotte, le sénateur Thani Mohamed-Soilihi a met en garde. D’abord, sur le coût qu’induirait la mise en place d’un tel statut pour le Conseil départemental soumis à de grandes difficultés financières.
Il souligne également la difficulté pour mener à bien une telle mission, dans un bassin caractérisé par le grand nombre et la diversité des organisations intervenantes, «ainsi que par l’insécurité juridique découlant de la revendication de souveraineté incessante des Comores sur Mayotte» et de l’immigration clandestine.
Avec l’adoption de ce texte, c’est surtout l’occasion pour Thani Mohamed-Soilihi de regretter à nouveau publiquement, l’absence de Mayotte au sein de la Commission de l’Océan Indien (COI). Il appelle les autorités françaises à continuer «à œuvrer pour la résolution de ce conflit diplomatique».
RR
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