«Chaque année, le 12 du mois musulman de ‘Rabi al-awwal’, qui coïncide cette année 2016 avec la date du 12 décembre, est l’occasion pour la population de Mayotte de célébrer le ‘maulid’ ou ‘maoulida’ en shimaoré.
Officiellement, il s’agit de commémorer la naissance du Prophète de l’Islam en la personne de Muhammad (pssl). Bien que des ombres et des doutes subsistent autour de la date exacte de sa naissance. Faire le maulid “ufagna maoulida” se dit de celui qui organise cette cérémonie. Cette dernière consiste à inviter des groupes d’hommes, pour raconter en psalmodiant la biographie du prophète – sa généalogie, sa naissance, ses miracles, ses révélations, son voyage nocturne et ses principaux traits de caractère…. au moyen du texte d’Al-Barzandgi
La nature religieuse de cette fête a toujours provoqué depuis très longtemps, dans de nombreux pays musulmans, y compris Mayotte, des débats sociaux entre partisans et opposants au maulid.
«Bidia» ou «Ibada»
Pour les adversaires de la pratique du “maulid”, le célébrer est une invocation blâmable ‘bidia’ -chose sérieusement grave en Islam- car pour eux, il ne s’agit ni d’un ‘fardhui’ (devoir coranique), ni d’une ‘sunna’ (la vie exemplaire du prophète). Selon eux, jusqu’à ce jour, personne n’a rapporté que le prophète, voire ses compagnons ‘sahaba’ -alors qu’ils étaient les meilleurs des musulmans- ont au moins une fois célébré cet anniversaire du prophète. Le prophète, non plus, ne l’a jamais ordonné. Dans ce contexte, il s’agit pour eux, bel et bien d’une innovation, et dénoncent en même temps l’excès et le zèle réalisés dans la nourriture servie.
Pour les plus favorables, c’est un acte religieux ‘Ibada’. Cette position est motivée d’une part par le Hadith du Prophète qui dit que: «Quiconque prie une seule fois pour moi, Dieu priera cent fois sur lui».
Et d’autre part par le verset coranique de la sourate Al-Ahzab (les coalisés) qui dit ceci: «Ô vous, croyants! Priez pour lui et appelez sur lui le salut» (C33/V56). S’agissant de l’excès et du zèle, ils disent qu’ils pratiquent ce que le Coran indique: «Ceux qui honorent les rites où l’on glorifie Dieu, font preuve d’une grande piété». (C22/V32).
«Chidjabou»
En tout cas pour la majorité des Mahorais, il ne leur viendrait jamais à l’esprit de ne pas célébrer le ‘maulid’. En effet, pour eux, il n’est point question de célébrer leur anniversaire -pratique rarissime pour l’ancienne génération mahoraise-, ni celui de la naissance du prophète -il n’est pas du tout intentionné-, mais plutôt d’un ‘Chidjabou’ (invocation). Tous les natifs de ce mois, dont certains se prénomment Maoulida ou Moina Maoulida, considéré comme sacré, plein de baraka, invitent chez eux un groupe d’hommes pour réciter la biographie du prophète, espérant gagner les bénédictions de ce mois.
Cette fête s’inscrit chez le Mahorais dans la collection des fêtes religieuses et profanes qui rythment la vie. D’autant plus que le ‘maulid’ peut avoir lieu à n’importe quel mois de l’année, et pas uniquement au mois de ‘rabi al-awwal’.
«Maulid» privés et communautaires
C’est ainsi qu’après avoir consulté un ‘fundi’, une famille peut organiser un ‘maulid’ afin de s’endiguer contre les maux des envieux et solliciter la bénédiction divine. On peut faire un ‘maulid’ surtout au septième mois de grossesse, pour le compte d’une femme enceinte pour que son accouchement se passe bien. On lit aussi le ‘maulid’ avant la circoncision d’un garçon. On fait de même pour n’importe quel vœu. Et désormais, à côté de tous ces ‘maulid privés’, existent des ‘maulid communautaires’ des mosquées, des quartiers…
Toutefois, compte tenu des exigences de la vie moderne qui se caractérise par des dépenses, de plus en plus de jeunes Mahorais profitent de l’absence de clarté pour ne pas faire le ‘maulid’.»
Salim Mouhoutar, auteur et conférencier.
(Les intertitres ont été ajoutés par la rédaction).
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