Nous révélions hier, que dans un «contexte mondial de menace terroriste élevé», la France allait mener une mission d’évaluation des mesures de sécurité en vigueur à l’aéroport Prince Saïd Ibrahim de Moroni, dans le courant du mois de janvier. L’argument du légèreté supposée ne matière de sécurité à Hahaya est aussi mis en avant pour bloquer la mise en place de la liaison Mayotte-Moroni-Pierrefonds.
Tous ceux qui ont pris un avion à l’aéroport de la capitale comorienne ont une petite idée de la situation. Il est évident que les équipements et les mesures en place ne sont pas de nature à garantir des conditions d’embarquement des passagers et de contrôle des bagages aux normes internationales. Prince Said Ibrahim ne dispose pas, par exemple, de «tomographe» aux normes pour scanner les bagages et les effets des passagers à l’embarquement.
Air Austral en est ainsi réduit à faire voyager sur ses vols en lien avec les Comores, des agents de sécurité affectés précisément au contrôle des passagers, sur le tarmac. Les aéroports réunionnais, Pierrefonds et Roland Garros, ont pourtant cédé du matériel dédié à la sécurité à Moroni Prince Said Ibrahim, dont des tomographes. Mais le matériel ne suffit pas, encore faut-il que les hommes soient formés.
Les Comores ne sont pas les seules à être concernés par ces besoins de formation dans la région. Ainsi, un groupement s’est organisé qui réunit 15 aéroports de l’océan Indien, qui traitent 15 millions de passagers par an, pour mutualiser les besoins en formation, matériel et maintenance de ces matériels. Une démarche vertueuse qui va bénéficier à tous.
La question des passeports comoriens
Mais la sécurité aérienne aux Comores est aussi liée à la question des passagers qui embarquent. La presse réunionnaise n’hésite pas, ce mercredi matin, à rappeler le trafic de «dizaines de milliers de passeports comoriens» dans le Golfe depuis la fin des années 1990.
«Quand bien même la bonne volonté de l’Etat comorien en matière de lutte contre le terrorisme n’est pas à mettre en doute, il est patent que ses frontières sont pour le moins poreuses. L’Etat comorien est dans l’incapacité totale de contrôler ses eaux territoriales, les communications par mer avec l’Afrique de l’Est et a fortiori celles au départ d’Anjouan vers Mayotte qui sont sinon encouragées, du moins tolérées», écrivent nos confrères du JIR. «Par ailleurs des pratiques douteuses ont été mises en œuvre par l’Etat comorien, dès 1997-98, sous la présidence de Mohamed Taki Abdul Karim, qui a initié un trafic officiel de passeports comoriens, ordinaires mais aussi diplomatiques, à destination du Koweït, de la Jordanie et du Liban.»
Une légèreté qui permet tout
L’opération a rapporté des centaines millions d’euros au pays mais qui a aussi eu pour conséquence d’associer les Comores à des terroristes.
Ainsi, la presse réunionnaise rappelle que certains auteurs des attentats d’al-Qaïda du 7 août 1998 contre les ambassades américaines à Nairobi et Dar es-Salaam, en Tanzanie, avaient bénéficié de ces filières suspectes. Le 31 août de la même année, le FBI américain débarquait à Moroni pour remonter la piste des auteurs des attentats. Une fois capturés, trois d’entre eux avaient expliqué que les composants des bombes avaient été convoyés du Moyen-Orient vers les Comores, avant d’être réexportés vers Dar es-Salaam puis Nairobi. Ce réseau était celui de Fazul Abdullah Mohammed, «le Comorien d’Al-Qaïda», chef de l’internationale terroriste dans la corne de l’Afrique, dont la tête fut mise à prix pour 5 millions de dollars (environ 3,5 millions d’euros). Il fut abattu en Somalie, un mois après l’élimination d’Oussama Ben Laden au Pakistan.
«Citoyenneté économique»
Ce trafic de passeports comoriens s’est développé sous le régime du président Ahmed Abdallah Sambi, sous un l’intitulé de «citoyenneté économique», un business devenu industriel, sous l’ère Ikililou Dhoinine. «Si des garanties étaient formellement exigées, pas d’antécédents judiciaires, en matière de terrorisme ou de blanchiment d’argent, l’affaire s’avérait si juteuse qu’il eut été indécent de se montrer trop regardant sur les nouveaux citoyens», expliquent nos confrères.
On y a pourtant retrouvé des trafiquants de drogue et d’autres terroristes qui bénéficiait d’un trafic de passeports comoriens hors de contrôle.
Le 14 novembre dernier, lors d’une séance de l’Assemblée nationale comorienne, un élu a interrogé le gouvernement quant au nombre de passeports comoriens vendus depuis 2008 à des tiers résidant dans les Etat du Golfe.
Le ministre de la Justice a expliqué: «A partir de 2011, le programme a commencé à échapper à tout le monde (…) la loi a été dévoyée, il suffisait d’un décret présidentiel pour accorder la nationalité à des centaines de personnes (…) 44.070 documents de voyage ont été accordés à des apatrides de 2008 à ce jour…»
Dans ces conditions, les questions de sécurité aérienne semblent d’une tout autre ampleur que celles liées à la simple mise en service d’un Airbus A320 aux couleurs comoriennes, entre Moroni et Pierrefonds…
RR
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