Les Directeurs généraux ou adjoints collectivités sont à l’épreuve des balles comptables dès qu’un budget est jugé insincère par le préfet, qui le retoque alors vers la CRC, dont les avis et préconisations sont davantage vécus comme un couperet, que comme une déclaration d’amour.
C’est apparemment réparable, puisque le fossé a pu se combler lors de la rencontre ce mardi à Doujani au Centre national de la Fonction publique territoriale (CNFPT), qui l’avait organisée. « Nous faisons peur aux cadres qui se demandent quand ils vont être contrôlés. Ils voient la CRC comme le bras armé de l’Etat pour leur mettre la tête sous l’eau. »
Il faut dire que de sa grande sœur, la Cour des Comptes, Mayotte a une image mitigée. C’est en effet celle qui a secoué l’Etat en dénonçant une départementalisation « mal préparée et mal pilotée », mais aussi celle qui a pointé du doigt les dysfonctionnements du Centre hospitalier de Mayotte sans tenir compte de la réalité locale.
Être pédagogues
Un écueil que compte éviter Christian Colin, Président de la Chambre régionale des Comptes (CRC) depuis quelques mois, qui a aussitôt répondu à l’invitation du CNFPT : « Il fallait échanger sur ce que nous attendions les uns des autres, les collectivités, nous-mêmes et le CNFPT, pour déboucher sur une logique de rapprochement. Nous sommes là pour accompagner les collectivités, et pour rechercher ensemble des solutions en fonction des marges de manœuvre. »
Les budgets d’une dizaine de collectivités sont encore régis par la CRC, « c’est une situation que nous avions connue à La Réunion il y a 25 ans ». Une façon de dire que Mayotte, ses élus et cadres n’ont pas encore atteint la maturité nécessaire. « Ce sera un processus de longue haleine, étant donnée la situation avant la départementalisation. Il ne sert à rien de sortir des rapports complexes, nous devons être pédagogues, surtout quand les agrégats essentiels ne sont pas compris. »
L’évolution de l’indexation, cette surrémunération qui atteindra les 40% cette année, est en grande partie responsable de la situation financière catastrophique des communes, déjà plombée par le poids de leur masse salariale. « Il était possible de la suspendre », reprend Christian Colin, qui l’a recommandé pour chaque commune en difficulté, « on ne peut plus avoir recours au volet fiscal, l’assiette est trop restreinte », reprend Alain Le Garnec, le directeur du CNFPT Mayotte.
« 49% des recommandations suivies des faits »
Le préfet qui a récupéré le budget ensuite, n’a pas appliqué ce gel de l’indexation, en jouant sur d’autres postes. Accompagné du responsable du bureau de Mayotte, Christophe Gontard, il devait le rencontrer ce mardi soir.
Le gel de l’indexation, adopté non sans vague par le maire Pamandzi, n’est pas toujours la seule marge de manœuvre, « il y a parfois un parc conséquent de téléphones portables en circulation, des efforts de gestion, notamment du foncier » et selon eux, le maire de Dzaoudzi, Saïd Omar Oili, également président de l’Association des maires de Mayotte (AMM), l’a bien compris à l’issue de la remise du rapport définitif sur sa commune. « 49% de nos recommandations ont été suivies de faits », mais sur les deux îles, La Réunion et Mayotte.
Une trentaine de cadres était présents ce mardi, et donc la majorité des collectivités, « dont le SDIS (les pompiers), et le Centre de gestion », mais il aura fallu faire sans le STM, Chirongui, Kani Keli, et l’habituel absent, Koungou.
Et les élus ?
Un directeur de collectivité n’est rien sans son élu, et vice versa, mais les premiers ont souvent les mains liés, dépendant de la politique mise en place, les élections des Interco du sud et du nord en ont été l’illustration. Le président de la Chambre régionale des Comptes se dit tout à fait décidé à répondre à une invitation lors d’une réunion de l’AMM. « Et nous pourrons ensuite déduire des recommandations des formations spécifiques », enchaîne Alain Le Garnec.
Hafidhou Abidi Madi, DGS de Ouangani, et 1er adjoint de Boueni, se dit satisfait de la rencontre : « Ils ont pris acte des problèmes des cadres, et des difficultés de gestion des collectivités. Car n’oublions pas que notre PIB Mahorais est le plus bas », rappelle-t-il. Le conseil départemental peine à faire reconnaître par l’Etat sa compétence régionale, et en obtenir les compensations, et les communes ne bénéficieront du produit intégral de l’octroi de mer que dans 3 ans… Mais pour le président de la CRC, les bons comptes font les bons amis, et il vaut mieux travailler à une gestion saine avant que n’arrivent des recettes supplémentaires.
Une rencontre qui va faciliter le contact, « Il fallait démystifier notre rôle. Nous entrons dans une collaboration intelligente. Nous sommes là pour aider les collectivités », rassure Christian Colin.
Anne Perzo-lafond
Le Journal de Mayotte
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