Alors que l’Insee et les mairies préparent le recensement quinquennal de la population mahoraise pour le mois de septembre, de nombreuses voix s’élèvent pour demander un alignement des méthodes de comptage du nombre d’habitants de Mayotte sur ce qui se pratique en métropole et dans les 4 DOM historiques. Le sénateur Thani Mohamed Soilihi a même déposé un amendement au projet de loi sur l’Egalité réelle dans ce sens. Il a été adopté par la Haute Assemblée, contre l’avis du gouvernement.
A Mayotte, nombreux sont en effet ceux qui rêve d’un recensement annuel… Et pourtant, ce n’est pas si simple. «Il me semble qu’il y a souvent une vraie incompréhension. Avec ce dispositif, le recensement ne va pas se faire chaque année», précise Jamel Mekkaoui, le responsable de l’Insee à Mayotte.
Un recensement tournant
Depuis la départementalisation, Mayotte bénéficie d’une règle dérogatoire en matière de recensement. Il est effectué tous les cinq ans, comme cela se pratique dans les collectivités de Polynésie ou de Nouvelle-Calédonie. Partout ailleurs, le recensement fonctionne sur un autre modèle et un rythme «annualisé»… mais il ne s’agit pas d’un recensement exhaustif tous les ans.
En métropole et dans les 4 DOM historiques, les communes sont classées en deux catégories, selon la taille de leur population, supérieure ou inférieure à 10.000 habitants.
Dans les communes de plus de 10.000 habitants, le territoire est divisé en cinq zones. Un recensement est effectué dans une zone chaque année, en rotation. Chacune d’elle est donc recensée une fois tous les cinq ans. En fonction des résultats obtenus, les évolutions de la population sont extrapolés à l’ensemble de la commune pour obtenir le nombre global d’habitants.
Un recensement étalé sur 5 ans
La population des communes de moins de 10.000 habitants continue, elle, à être comptée tous les cinq ans. Mais selon le même principe, le recensement ne se fait pas partout en même temps. Il est échelonné sur une période de 5 ans. Conséquence, ces communes sont divisées en cinq groupes et le recensement se fait chaque année dans un groupe différent.
En clair, même avec ce système tournant, il faut toujours cinq ans pour effectuer un recensement global et exhaustif de la population. Le seul changement réside dans le rythme de comptage : il n’est pas réalisé en une seule fois mais étalé sur cinq ans.
Transposé à Mayotte, cela signifierait qu’une partie de la population des 7 communes de plus de 10.000 habitants serait comptée chaque année (Mamoudzou, Koungou, Tsingoni, Dzaoudzi-Labattoir, Dembéni, Sada et Bandraboua). Dans les 10 autres communes, le recensement serait effectué tous les 5 ans au rythme de 2 communes par an.
Pour les communes, un grand changement
«On croit que c’est une grande innovation. Dans les faits, ça ne l’est pas tant que ça. En revanche, ça implique un grand changement du cadre juridique et dans le rôle de l’Insee», précise Jamel Mekkaoui. Cette opération de recensement «tournante» devient en effet de la responsabilité de la commune. L’Insee forme les agents, appuie les communes et contrôle les opérations, mais elle n’est plus l’autorité qui s’occupe concrètement de la logistique. «C’est un changement d’ampleur. Pour les communes, ça devient une charge quasiment quotidienne», note Jamel Mekkaoui.
L’autre problème de ce «droit commun du recensement» serait les questions soumises aux Mahorais. Jusqu’à présent, des données particulières sont fournies sur des sujets qui ne se posent qu’à Mayotte : l’accès à l’eau potable, le type d’habitat (en tôle ou en dur), la qualité des sols des habitations (en terre battue ou en carrelage) par exemple. Avec une entrée dans le droit commun, pas sûr que ces questions typiquement mahoraises puissent encore être posées… De quoi perdre une source d’information précieuse.
Les habitants d’il y a 3 ans
«A Mayotte, on pense toujours que quand il y a une dérogation, il y a un problème. Or, ici, ce n’est peut-être pas le cas», temporise Jamel Mekkaoui… D’autant que l’objectif de la démarche est de connaître le nombre d’habitants en temps réel, ce qui n’est pas le cas avec ce type de dispositif. En métropole actuellement, les communes disposent du chiffre de leur population de 2014.
L’amendement du sénateur Thani, largement soutenu par les élus de Mayotte, va néanmoins poursuivre son chemin parlementaire. Et l’Insee se rangera, bien entendu, derrière la décision du législateur… Même si ce changement n’est peut-être qu’une fausse bonne idée.
RR
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